vendredi 21 mars 2014

"CE QUE LA SCIENCE DIT DE L'ENERGIE VITALE''


Entretien avec le Dr Thierry Janssen

Pour le Dr Thierry Janssen, auteur de La Solution intérieure, un ouvrage remarquable - qui fait la synthèse entre toutes les données scientifiques sur le corps, les émotions, les croyances, les pensées et même l'âme ! -, la « notion floue » d'énergie vitale a justement l'immense mérite de permettre de faire le lien entre les différents niveaux de l'être.

Formé en Belgique, en France et aux États-Unis, le Dr Thierry Janssen est spécialisé en gynécologie et en urologie. Très tôt cependant, la spécialisation à outrance de la médecine occidentale le choque. Sensible aux approches transdisciplinaires et aux médecines différentes, il s'engage dans une recherche à la fois scientifique et humaniste, qui l'amène à publier plusieurs ouvrages proposant une vision holistique - dont le dernier, La solution intérieure , est paru en 2006 (éd. Fayard). Pour lui, tout être est un dans ses différentes composantes : physiques (sensations et perceptions), émotionnelles (émotions manifestées physiquement et sentiments éprouvés mentalement), intellectuelles (raisonnement). Or, ce qui exprime le mieux la réunion harmonieuse du corps, de l'âme et de l'esprit est, selon Janssen, une notion extrêmement vague et même galvaudée, mais pour l'instant irremplaçable : l'énergie vitale. Nous nous sommes entretenus avec lui sur ce paradoxe.

Nouvelles Clés : Le mot « énergie » revient dans toutes les bouches. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Thierry Janssen : Dans nos systèmes de pensée médicaux occidentaux, basés sur un dualisme dichotomique entre corps et esprit, nous n'avons plus de modèle pour exprimer le lien qui existe entre les deux - et entre toutes choses finalement. Les approches qui se veulent holistiques sont obligées, dirait-on, d'aller chercher des modèles en Extrême-Orient, parce que là-bas, la pensée n'ayant pas été dans cette voie de dichotomie, elle a gardé une manière d'exprimer le continuum entre corps et esprit - et entre tous les niveaux du vivant. Or, on constate que, tant du côté de la Chine que de l'Inde, cette liaison est résumée sous la forme de concepts que l'on traduit chez nous par « énergie ». Les Chinois parleront du qi, les Indiens du prana, et nous, Occidentaux, nous avons beaucoup de mal à comprendre, cherchant à savoir s'il s'agit d'une énergie électromagnétique, ou nucléaire, ou mécanique, ou calorique... Et nous ne trouvons pas. Nous devrions nous rappeler qu'énergie vient du grec energia, qui veut simplement dire « force en action ». Ce concept flou permet à toutes ces médecines plus intuitives et holistiques - justement grâce à son imprécision - de montrer qu'elles agissent à tous les niveaux de l'individu, sans le cloisonner. C'est un continuum entre matière et pensée.

Selon l'équation d'Einstein, E = MC2, il y a équivalence entre matière et énergie, celle-ci se présentant tantôt comme « en réserve », tantôt comme « en action », tantôt comme les deux à la fois. C'est ce que veulent nous montrer les médecines orientales. Quand elles agissent sur le qi ou le prana (par l'acupuncture, ou les exercices respiratoires du yoga, ou le qi qong et son dérivé taï-chi), elles permettent une fluidité parfaite entre tous les niveaux de l'individu, entre sa pensée et son intellect, entre sa détente mentale et sa relaxation corporelle.

N. C. : Mais la vision scientifique d'aujourd'hui ne distingue-t-elle pas, d'une part, la matière/énergie (E=MC2), d'autre part, l'information (d'énergie nulle et donc démultipliable à l'infini) ? D'ailleurs, ne retrouve-t-on pas là un savoir ancien : ainsi, quand j'ai la sensation de « manquer d'énergie », je dis : « J'aimerais retrouver la forme » - or, la forme, c'est de l'information, pas de la matière/énergie !

T. J. : Oui ! Et j'ai justement le sentiment que l'Occident et la médecine occidentale trouveront leur nouveau souffle quand ils accepteront de se mettre à l'ère... où nous sommes déjà, c'est-à-dire à l'ère de l'information. Or, c'est très curieux : la médecine n'en est pas encore là. Elle utilise certes des instruments « informatiques », mais dans sa vision profonde, l'inertie la maintient dans l'ère précédente, qui était mécanique. Pour reprendre votre question, E=MC2, c'est l'idée que la matière est de l'énergie condensée, et le principe organisateur de cette matière/énergie est en effet de l'information. Donc matière, énergie et information sont trois façons d'aborder la nature des choses. Et il est amusant de voir que le problème de l'Occident, qui est en même temps son avantage, c'est qu'il a éprouvé le besoin d'explorer chacune de ces facettes le plus loin qu'il a pu, séparément du reste. Ce faisant, il a réussi à développer la science et toutes les technologies modernes, mais il s'est aussi enfermé dans des modes d'existence et d'expérience cloisonnés. Les Extrême-Orientaux n'ont pas atteint notre niveau technologique, précisément parce qu'ils n'ont jamais séparé comme nous la nature des choses en concepts distincts. L'avantage de cette limite, c'est qu'ils n'ont pas perdu le continuum et qu'ils interviennent, avec un seul outil (qi, prana... ou pneuma comme nos anciens Grecs), simultanément aux différents niveaux de l'être. Cette convergence, c'est ce que notre psycho-neuro-immunologie commence à retrouver, montrant comment on passe du psychisme au système nerveux, puis descendant jusqu'à l'expression cellulaire et génétique du corps.

N. C. : Quand je suis épuisé, surtout moralement, une simple information - par exemple un coup de fil amoureux - peut me redonner instantanément toute mon énergie, au point que je vais traverser la ville en courant ! N'est-ce pas le signe qu'en réalité, je n'ai jamais « manqué d'énergie », mais que celle-ci trouvait en moi un barrage, qui l'empêchait de circuler ?

T. J. : Mon premier chapitre parle du placebo, avec lequel nous avons beaucoup de mal dans la médecine occidentale. On ne peut comprendre comment un comprimé de sucre ou une attitude positive influencent la santé du corps que si l'on accepte d'abandonner le concept cartésien de séparation. C'est très simple quand on voit les manifestations de la pensée dans notre corps : une bonne nouvelle peut effectivement suffire à nous donner une montagne d'énergie ; inversement, en une fraction de seconde, un autre coup de fil peut nous jeter dans un malaise insupportable et nous vider. En termes biochimiques, on constate aujourd'hui qu'effectivement, quand on a des pensées positives et que le cerveau gauche est plus mobilisé, on active plus facilement le système parasympathique de la relaxation - et donc on a des sécrétions de molécules qui vont dans le sens de la réparation et de la récupération. Alors que quand on est dans des pensées négatives, on active plutôt son cerveau droit, qui va stimuler les glandes surrénales et tout le système orthosympathique du stress, avec l'adrénaline (pour s'enfuir ou combattre) et le cortisol (pour activer les défenses immunitaires), ce qui conduit finalement à un épuisement de l'individu. Donc une pensée ou une intention négatives auront pour répercussion physiologique une perte de potentialité d'action, alors qu'une pensée ou une intention positives relèveront au contraire cette potentialité. Et de nouveau, on ne peut pas préciser s'il s'agit d'énergie psychique ou d'énergie physique, puisque les deux sont étroitement liées.

N. C. : Vous placez les pensées positives dans le cerveau gauche et les négatives dans le droit ? Je ne connaissais pas ce découpage-là !

T. J. : Ce sont notamment les récents et extraordinaires travaux de Richard Davidson, qui ont montré qu'un contexte négatif ou dépressif provoque une activation préférentielle du cortex préfrontal droit. À l'inverse, des émotions positives nous font activer notre cortex préfrontal gauche. Considérant l'évolution du cerveau au cours des millénaires, il est de plus en plus admis que le cerveau droit est antérieur au gauche. Il est d'ailleurs un peu plus gros et plus vite formé chez le bébé. Les bébés sont plus facilement dans des émotions négatives, peurs, pleurs, malaises, douleurs, que dans des émotions positives. Pourquoi ? Probablement parce que les émotions négatives sont les signaux d'alerte du corps en danger, donc propres au nouveau-né et apparus au début de notre évolution, quand la question était de survivre dans un contexte dangereux, où il était vital d'avoir peur ou de se mettre en colère, pour fuir ou combattre. Ce n'est que plus tard, semble-t-il, que l'évolution nous a apporté un lot d'émotions positives, grâce auxquelles nous parvenons à vivre en groupe, à créer des relations, à aplanir des conflits, à obtenir une cohésion sociale. Aux États-Unis, des tas de laboratoires s'intéressent désormais beaucoup à cette approche, évidemment soutenus par le courant de la psychologie positive.

À sa façon, l'Occident commence donc lentement à comprendre toute une cascade de faits dont il ne voyait pas les liens jusqu'ici... C'est drôle, récemment j'ai fait une conférence devant des neurologues, qui ont ouvert de grands yeux et sont venus me dire à la fin : « Tout ce que vous avez dit est vrai, nous ne le savons par la pratique, mais nous n'avions jamais fait le lien. » La plupart n'avaient jamais ouvert un livre de psycho-neuro-immunologie ! Cela m'attriste que, dans ma culture, à force d'approfondir les détails, on ait à ce point oublié de faire les liens. Le Prix Nobel Linus Pauling disait : « L'important, c'est le lien. »

N. C. : Éclairez-nous donc sur un lien très quotidien. On dit qu'un produit de l'agriculture biologique est « énergétiquement plus vivant » qu'un produit de l'agriculture chimique. Pour vous, médecin et scientifique, cela a-t-il un sens ?

T. J. : Oui, en référence au principe de cohérence, qui va devenir central, je crois, en science, mais aussi en philosophie et en spiritualité. On sent aujourd'hui, que dès qu'il quitte sa cohérence, tout système, biologique ou pas, perd de la « vitalité », c'est-à-dire de sa potentialité et de sa force en action. Exemple psychologique : quelqu'un qui n'est plus cohérent avec lui-même, qui trahit ses intentions et ses aspirations profondes, entre en dépression et perd son énergie : il ne fait plus rien, reste dans son lit, voit l'avenir en noir, aplatit la vie. Dès que le thérapeute parvient à le remettre dans son système de cohérence, son énergie revient : il peut de nouveau agir dans le monde et sa pensée redevient créative. Malheureusement, aujourd'hui (il nous faut voir les limites de notre culture), l'Occident mondialise une vision prétentieuse de l'être humain, qui prétend se placer en dehors de la matière, notamment depuis le Siècle des Lumières, quand le philosophe John Locke disait : « La négation de la nature est la voie du bonheur. » Nous vivons toujours dans cette optique, où nous croyons que nous devons dominer la nature, la contrecarrer, l'empêcher de suivre ses cycles naturels. Ce faisant, nous créons des incohérences dans les systèmes naturels et nous leur enlevons de la vitalité, à tous les niveaux : mécanique, énergétique, intentionnelle - car tout être vivant a, profondément en lui, une intention, une sorte de logique de cause à effet... que le bouddhisme éclaire de façon intéressante. On pourrait dire qu'il y a risque d'incohérence dès que nous intervenons dans la loi de cause à effet et que nous provoquons des manifestations illogiques.

N. C. : Pour déborder d'énergie, il faut donc se connaître soi-même ?

T. J. : Absolument. Et bien définir quels sont nos besoins essentiels. Cela peut prendre une vie (d'où le titre de mon premier livre, Le travail d'une vie ), d'aller jusqu'au fond de se soi, pour comprendre quel est l'essentiel singulier auquel nous devons répondre en nous, quelle est notre essence, autrement dit où s'allume notre vitalité profonde (l'essence ne fait pas seulement tourner les moteurs de nos voitures !). Si je m'imagine que mon essence est de passer du bon temps dans des lieux à la mode, je risque de perdre ma vitalité profonde si, en réalité, ma cohérence est ailleurs. Les lieux à la mode sont d'ailleurs remplis de gens qui consomment du prozac ! Pour le thérapeute qui soigne des gens très malades, il est souvent évident qu'ils ont choisi des voies de vie trop éloignées d'eux-mêmes. Si on leur permet de retrouver, couche après couche (parce qu'on triche avec soi-même depuis longtemps), leur intention profonde, ils gagneront en cohérence et donc en vitalité. À l'inverse, on est stupéfait de voir certains grands artistes, même âgés, déployer une énergie créatrice prodigieuse, travaillant nuit et jour, au-delà du concevable : c'est qu'ils sont en cohérence puissante avec ce qu'ils sont profondément. Et ça peut déplacer des montagnes ! D'un certain point de vue, oui, la vraie nature de cette « énergie » est de l'information. Une information globale, que plus tard, le public de l'œuvre en question recevra comme un choc hyper complexe, qu'il faudra des années pour analyser !

Propos recuillis par Patrice van Eersel


http://www.cles.com/enquetes/article/ce-que-la-science-dit-de-l-energie-vitale

dimanche 9 mars 2014

"QU’EST-CE QUE MÉDITER ?"

     

par Marc-alain Descamps

Introduction

   On peut définir la méditation comme "l'assise silencieuse immobile" au moins au début, car par la suite il s'agit d'obtenir "la pensée non-duelle ou l'état non-mental ".  Il vaudrait sans doute mieux parler de plongée, de recueillement, d'absorption, de ravissement ou d'extase ...

Pour pouvoir la réaliser, la méditation sera étudiée dans son rapport au corps (la posture de méditation), à l’esprit (pensée et non-pensée), dans ses erreurs et ses étapes.

                     LE ROLE DU CORPS ET LA POSTURE DE MEDITATION

 
    Lorsqu’on sait méditer, on peut évidemment méditer dans n’importe quelle posture. Mais pour apprendre à méditer, il vaut mieux utiliser une posture de méditation.

1.      Pas de méditation sans posture de méditation

2.      La méditation vaut ce que vaut la posture.

    L’esprit reflétant le corps, on immobilise d’abord le corps pour calmer l’esprit. Le malheur est que certains travaillent de longues années pour acquérir cette posture et oublient après de s’en servir pour méditer. Pour réduire l’agitation de l’esprit, on va immobiliser le corps, calmer la respiration et fixer le regard.

Le premier ennemi de la méditation étant le sommeil, on va installer le corps dans une posture de vigilance. En dehors du yoga, il y a de plus en plus d’écoles de méditation qui apprennent à méditer allongé sur le dos, assis sur une chaise ou installé dans un bon fauteuil. L’ennui est qu’on y apprend plus à somnoler qu’à méditer. Il ne faut pas confondre méditer et faire la sieste.

  Les postures ont de plus le mérite de rassembler et de joindre le corps pour que l’esprit s’unifie. Cela se réalise en trois temps : la posture unifie le corps, l’attention correctrice de la posture unit l’esprit au corps et l’esprit s’unifie en s’unissant à lui-même.

Après vient l’immobilité. La posture doit être stable, équilibrée, centrée, relaxée et légère pour que l’esprit soit stable, équilibré, centré, relaxé et léger. Le dos doit être maintenu bien droit, la tête ramenée en arrière dans la position de la porteuse d’eau. Et il faut s’étirer vers le haut comme un arbre qui veut atteindre la lumière, pour éviter qu’au fil des minutes le corps ne se courbe et se tasse. La posture doit être légère et étirée, et non celle d’un sac de sable que l’on a jeté par terre.

­   Après avoir calmé le corps, il convient de calmer la respiration. Une respiration courte, rapide, superficielle va avec une pensée agitée. Les mesures ont montré qu’en quelques minutes de méditation, le rythme respiratoire se réduit de 10 à 20%

  Puis le regard se fixe de lui-même et les yeux ne sont plus agités de mouvements perpétuels. L’activité des yeux va avec celle de la pensée. Ceux qui savent méditer peuvent garder les yeux ouverts, à condition d’avoir le regard rentré à l’intérieur, sans rien regarder, les yeux défocalisés.

La salivation intempestive peut elle aussi être bloquée en collant la pointe de la langue derrière les deux incisives et en pratiquant et maintenant une légère dépression, comme si l'on aspirait l'air.

  Tout s’étant calmé dans le corps, il ne reste plus qu’à attendre que l’esprit se calme en reflétant la posture.  Alors peut commencer le travail des énergies dans la posture de méditation. Il va falloir dénouer les trois noeuds de l’estomac, du coeur et de la gorge.

­   Ce travail énergétique est concomitant de celui sur les passions et l’inconscient. Mais sur eux nous ne pouvons rien, il faut attendre que cela se fasse par soi-même. Lorsque l’individu est encore agité par les violentes passions (orgueil, égoïsme, colère, tristesse, dépression, haines, violences, envie, jalousie ...), il ne reste qu’à attendre patiemment pendant des années que cela se calme. Comme en Zen, il faut les regarder remonter en soi, comme des nuages qui filent dans le ciel et ne jamais s’y identifier. Cette période de nettoyage et de purification peut d’ailleurs être fait par une psychanalyse ou une psychothérapie préalable. Au début notre esprit est comme un lac agité par la tempête, avec de hautes vagues qui remuent la vase du fond. Puis les vagues deviennent moins hautes, il ne reste plus qu’un léger clapotis. Et un jour la surface du lac devient plate et lisse. Alors on voit soudain clairement au fond de soi, ainsi que dans ces lacs de montagne transparents comme du cristal où le fond semble si proche.

Bien entendu, la posture de méditation est une condition nécessaire mais pas suffisante. L’assise silencieuse n’est pas la méditation. Comme le répètent tous les maîtres de méditation, s’il suffisait de s’asseoir pour méditer, toutes les grenouilles feraient de la méditation.

Ainsi la méditation est : s'asseoir avec décision et courage, pour rester immobile à ne rien faire, vouloir sans désirer, chercher sans espérer et regarder défiler les idées de son esprit jusqu'à ce que tout s'apaise et que l'on entre dans la Vacuité ou dans l'Extase.
                        

PENSEE ET NON PENSEE

  L’Occident a toujours cherché à avoir une pensée vive et agitée et a découvert que l’on pensait mieux en marchant, soit en allant et venant soit en tournant en rond. Pendant tout le Moyen-Age, on a construit ces machines à "méditation" que sont les cloîtres où l’on peut par tous les temps tourner en rond en réfléchissant autour d’un jardin (med-itare = marcher en tournant). Mais il s’agit toujours de penser.

­   Alors que la méditation dont nous parlons dépasse cette pensée pour atteindre le non-mental, l’autre versant de l’esprit. Cette pensée sans pensée, cette non-pensée est justement ce qu’il y a de plus difficile à comprendre pour qui n’en a pas fait l’expérience. Seul Goethe en approche lorsqu’il écrit :  ‘‘La pensée ne sert de rien pour penser’’.

­   ­    « Le yoga est l’arrêt des perturbations du mental’’.­   D’emblée le yoga est défini par la méditation et son résultat : l’arrêt du surgissement des idées dans l’esprit, le calme du fonctionnement de la conscience. Par le terme de méditation nous entendons la moitié du yoga, ses quatre membres supérieurs (angas): pratyahara, dharana, dhyana et samadhi. Pratyahara que l’on traduit par ‘‘le retrait des sens’’ est l’intériorisation. Ne plus être absorbé par le monde, bu par lui, ne plus se laisser distraire par les sensations, pour rentrer en soi et se regarder penser. Pour certains il suffit d’être à côté d’un guide qui a atteint la vacuité. Pour les autres, il reste à arriver à fixer leur attention sur le même objet de pensée, à l’aide d’une des centaines de techniques de dharana, la concentration. Lorsque par la suite cela se fait sans effort par un courant ininterrompu de conscience vers l’objet, on atteint dhyana que l’on traduit par ‘‘méditation’’ et qu’il vaudrait mieux nommer ‘‘le recueillement’’. Puis lorsque l’objet de concentration envahit tellement l’esprit que l’on cesse pour la première fois de penser à soi, on entre dans le samadhi que l’on a nommé extase, enstase ou ravissement.

­Son secret a été donné par les six règles de Tilopa :  ‘‘Ne pense pas,  ne réfléchit pas,   ne médite pas,  n’analyse pas, n’imagine pas,  garde ton esprit dans son état naturel’’. C’est aussi exact que difficile.

Pour commencer il nous est apparu que le meilleur objet de concentration est ‘‘ce que l’on aime le plus au monde’’. Plus la pratique du stop si cher à Gurdjieff. Toutes les 30 secondes, on dit ‘‘stop, à quoi je pense maintenant ?’’ Et l’on passe à la technique du pêcheur à la ligne. On revient à la pensée de l’objet de concentration avec la même indifférence que le pêcheur à la ligne qui ramène son bouchon là où il doit être, sans aucune indignation ou haine envers le courant de la rivière qui le déplace.­  

La Voie du Coeur est souveraine dans la méditation et le yoga de l’amour est le chemin le plus aisé. Plutôt que de chercher directement à contrôler ses pensées, il vaut mieux passer par ses sentiments. Sentir battre son coeur incite à se mettre à aimer, puis à ouvrir son coeur à l’Amour. Dieu est amour et s’absorber rapidement dans cet amour véritable est le plus sûr moyen pour entrer directement dans la béatitude (Ananda) du Samadhi.

Cet arrêt de la pensée fait très peur aux Occidentaux qui tiennent ferme avec Descartes que je ne suis qu’en tant que je pense (cogito ergo sum). Et leur ego exacerbé craint la méditation comme la mort.  La Réalité est tout autre. Mais il convient de s’expliquer avec soin. Déjà Jacques Lacan réfute Descartes avec l'inconscient : "Je pense où je ne suis pas et je suis où je ne pense pas". Effectivement je ne suis vraiment dans la réalité que lorsque j'ai réussi à stopper la machine à fabriquer les idées.  On peut donc dire qu’il n’y a pas disparition de l’esprit, mais changement de mode de fonctionnement. On passe de la suite incohérente des idées à la connaissance intuitive directe par identification ou participation. Et ce n’est pas une perte mais un enrichissement.

    LES ERREURS SUR LE CHEMIN DE LA MEDITATION
 

   Il ne faut pas commencer trop tôt à méditer car c’est une entreprise difficile. Si l’on n’est pas prêt, on s’y écoeure vite. Il vaut mieux commencer de discipliner le corps par les postures du corps physique. Puis l’on y joint la discipline du Souffle et par lui avec la purification du corps énergétique, on entre dans le corps subtil.

S’il convient de n’apprendre les postures que sous la direction d’un bon professeur de yoga, il est encore plus indispensable de n’apprendre à méditer qu’avec l’aide d’un guide de méditation. Méditer seul risque d’engendrer des défauts dont on a le plus grand mal à se délivrer quand on entre après dans une école de méditation..

Encore heureux quand on s’en rend compte, car d’autres, plus ils méditent plus ils sont satisfaits d’eux-mêmes et mécontents des autres, suffisants, méprisants, orgueilleux, irritables, critiqueurs, sans bonté, patience et amour. Qu’appellent-ils donc méditer et avec quoi ont-ils confondu la méditation ?­  

  Sans parler de sommeil, on peut confondre le calme de l’esprit avec une torpeur, avec toutes les variétés de la somnolence, de l’assoupissement ou de l’inertie. La difficulté avec ce type de ‘‘méditants’’ c’est qu’ils ont recouvert leur esprit d’une fine couche de tamas, ils ont donc pris du retard sur les autres et il faut passer des mois pour leur enlever cette structure tamasique avant qu’ils puissent revenir au niveau de départ des débutants.

  D’autres s’arrêtent de méditer, car c’est trop triste. Ils ont sombré dans la voie de l’apitoiement sur soi-même. Dès qu’ils se mettent à méditer, ils sentent remonter cette énorme vague de tristesse et se mettent à pleurer et geindre sur leurs propres malheurs, au lieu de s’ouvrir généreusement à la compassion des autres.

  Avec la mode de la psychologie, on peut confondre méditation et psychologie et au lieu de méditer on passe son temps à ressasser tous ses problèmes psychologiques.

 Beaucoup plus répandue est la tentation de prendre la méditation comme une technique de plus. On médite par exercice, volontairement, en faisant beaucoup d’effort et en y mettant énormément de volonté. Lorsqu’on prend la méditation pour une simple gymnastique mentale en vue d’augmenter ses pouvoirs, on ne fait que renforcer l’ego. Et il est paradoxal que certains nomment méditation leur culte de l’ego, alors que son but est justement de dissoudre l’ego pour pouvoir découvrir le Soi. Mais ce travers actuel n’est pas nouveau et déjà au quatorzième siècle le moine tibétain nyingmapa Khong-Chen s’en plaignait : ‘‘Ceux qui s’exercent à méditer avec suffisance pour supprimer toute pensée deviennent vaniteux de cet état. Pour cette raison, ils renaîtront dans des animaux’’.

Le principal problème est que les états de conscience sont extrêmement subtils. Certains méditent dans l’espoir d’obtenir l’apparition physique de leur dieu.  Les autres veulent pouvoir se raccrocher à quelque chose. Toute technique efficace doit avoir pour eux des résultats rapides et ils collectionnent les trucs. La transe, avec la rotation de la tête et l’hyperventilation, change instantanément l’état de conscience. L’embêtant avec la transe est que lorsqu’on en sort on ne se souvient plus de ce qui s’est passé. C’est donc le contraire de l’expansion de conscience du samadhi. Ce qui n’empêche pas les tenants de la transe d’essayer d’inclure le yoga sous le nom de transe statique. Sans parler des formes de possession par des entités comme dans le chamanisme, le Vaudou, la médiumnité ou le channeling, on trouve beaucoup de confusions entre la méditation et l’auto-hypnose. Il existe de très nombreux partisans de tous ces petits trucs aux effets immédiats. On balance le corps d’avant en arrière comme dans la prière juive ou musulmane. On secoue la tête de droite à gauche (le yoga de deux secondes). N’importe quoi, mais bouger, remuer, ne pas rester immobile.

  D’autres font des respirations volontaires ou de longues rétentions pendant la méditation. Mais si la volonté est là, l’ego aussi, or il faut l’oublier pour changer d’état de conscience.

  On n’en finirait pas de rapporter tous ces trucs d’autodidactes ou de ceux qui se sont fourvoyés dans de mauvaises méthodes. Ils font penser à ceux qui espèrent faire monter la Kundalini en se tapant le derrière par terre pendant des années.

De plus le simple désir d’obtenir le samadhi est l’obstacle absolu. Il faut méditer pour méditer, tout simplement, de façon désintéressée, sans aucun but ni désir particulier intéressé.

Bien entendu, il est très bon de s'entraîner et de se discipliner en méditant régulièrement d'abord par une séance collective par semaine, puis vingt minutes par jour chez soi, même si rien ne vient à l'heure sur commande. Il ne faut aussi jamais oublier de se mettre à méditer quand on se réveille soudain pendant la nuits sans pouvoir se rendormir.

Enfin l'obstacle le plus redoutable est toujours la dernière réalisation  si l'on croit avoir atteint le but ultime. De plus l'extase elle-même est le plus grand obstacle, si l'on ne pratique plus que pour se procurer des extases. C'est d'autant plus grave lorsque cela se combine avec une inflation de l'égo, car la personne bloquée à ce stade s'imagine qu'il n'y rien d'autre et se donne en modèle et en instructeur. La personne a eu une première expérience d'éveil (par exemple dans son adolescence) encombre les revues et les estrades, en ne parlant plus que de cela, mais de façon tellement convainquante que cela lui permet de gagner sa vie, en se donnant en spectacle.

LES ETAPES DE LA MEDITATION
 

   L’on dit toujours que tous les méditants de toutes les voies et les religions atteignent le même but. Je n’en suis pas si sûr. Les étapes ne sont donc pas exactement les mêmes dans toutes les voies et chez tous les méditants, mais en gros elles suivent souvent ce cycle.

1. La première étape est celle du trou noir. Dès que l'on commence à méditer les yeux fermés, on n'y voit plus rien, c'est le combat de noirs dans un tunnel obscur. On a défini la méditation comme : "entrée d'un aveugle dans une cave obscure pour y attraper un chat noir, qui n'existe pas " (et le plus fort est que certains y arrivent).

2. La découverte du bavardage mental. Peu à peu on finit par se rendre compte du fonctionnement du singe fou, de la machine à fabriquer les idées, qui occupe le courant de conscience par son bavardage mental incessant. Pourquoi ? Pour ne pas entendre ce qu'il y a au dessous dans l'inconscient.

3. La couche des problèmes psychologiques. Justement lorsque cette couche des idées cède à cause du ponçage du silence de la méditation, ce qu'il y a au fond remonte. Si les problèmes psychologiques, les fantasmes et les images subconscientes ne sont pas graves, cela s'arrange tout seul ; il suffit de ne pas avoir peur et de les regarder glisser comme des nuages dans un ciel d'orage. Ou bien la concentration régulière sur la flamme d'une bougie est très efficace, à l'expiration on dépose tous ses problèmes et ses souffrances dans la flamme de la bougie qui les brûlera et en inspirant l'on s'emplit à l'opposé de sa pureté et de sa Lumière.

4. Les trois premiers vides sont le vide  du corps, du monde et du temps.

Le corps fait obstacle au début car il fait mal. Il faut donc s’entraîner patiemment à l’assise silencieuse pendant des années jusqu’à ce qu’il ne se fasse plus du tout sentir pendant la méditation. Alors l’esprit est libéré de son dialogue sensoriel constant avec son corps.

 L’obstacle du monde est dans son absorption de notre attention. Nous vivions hors de nous-mêmes. Par l’immobilité il n’y a plus de sensations de contact, de la vue, du goût, d’odeurs ; il ne reste plus que les bruits. Mais les débutants passent leur temps à écouter les sons et les bruits pour ne pas couper le contact, un jour on ne s’y intéresse plus et on ne les entend plus.

 Il ne reste plus que l’obstacle du temps, le plus redoutable. Au début, le temps s’étire sans fin et la méditation est si longue qu’elle semble ne jamais devoir finir. On tient simplement par un effort de volonté, mais on ne médite pas car l’on s’ennuie. Et un jour on découvre que cette méditation, qui n’en finissait plus, est déjà terminée. Nous avons oublié de compter le temps. Nous ne nous ennuyons plus et les méditations paraissent toujours trop courtes, voilà le critère. Nous avons découvert qu’il n’y a qu’à être là, tout simplement, sans rien désirer et que c’est passionnant de vivre.

5. ­Lorsque les trois obstacles de la méditation sont vaincus, apparaissent les trois thermomètres de la méditation : le Son cosmique, la Lumière intérieure et la Vibration de la Shakti.

­   Lorsque le silence du mental s’établit, on peut entendre le Son cosmique (Nada). C’est un son intérieur qui paraît pourtant venir de très loin dans l’espace et que l’on peut prendre pour un bourdonnement d’oreille (qu'on ne doit pas confondre avec un acouphène gênant). Le son de l’océan ou l’harmonie des sphères.

 Il en est de même pour la Lumière intérieure (nimitta). Au début elle n’apparaît que les yeux fermés pendant la méditation, puis on peut la voir aussi les yeux ouverts. Les formes (brouillard, étoile, lune, soleil ...) et les couleurs peuvent être différentes.

   La Vibration divine (Spanda)  peut naître et se diffuser en n’importe quelle partie du corps. On peut la comparer à un léger courant électrique, mais c'est un vibration non-physique ou augmentation du niveau énergétique qui apparaît spontanément à un certain niveau de méditation.

  Ce sont les trois manifestations de la présence du divin dans le corps. Lorsqu’on arrive à des états plus élevés de conscience, elles peuvent devenir des obstacles.

 Dans la pratique la plus courante, les apports de la méditation se font par la découverte du calme, de la paix, du vide et de la Présence.

 6. Le Calme des Pensées est le premier apport. Lorsque les vagues du lac des passions et de l’inconscient diminuent, le calme s’établit dans les pensées. On commence à apprécier le silence puis l’on ne peut plus vivre que dans le Silence. Et très curieusement, quand le cheval emballé (crazy horse) ou le Singe fou se calment, tout se calme autour de soi et la vie devient beaucoup plus calme.

   7. Au niveau suivant apparaît la Paix du coeur. On commence à faire la paix, en soi d’abord, puis avec les autres. On entre alors dans le domaine de l’amour. Prendre tout positivement, c’est découvrir qu’il existe une Providence et que le monde a un sens.

 8. Alors on est prêt pour l’expérience du Vide. Lorsque s’établit enfin le Silence du mental et que l’on plonge dans le Vide pour une seconde, on sursaute et sort de la méditation, effrayé. La machine à fabriquer les idées s'est enrayée et ne fonctionne plus, c'est le Silence du Mental. Puis on y revient et l’on s’y habitue. Ce que nous appelions vide était en fait l’infini. Quand on le découvre, l’esprit cherche tout de suite une limite, un bord, un bout, car dans son expérience antérieure tout a une fin. Alors il plonge le plus profondément possible, sans fin. Puis à l’opposé il cherche à s’élever le plus haut possible, sans limite. Affolé, il part droit devant soi, illimité. Et ce n’est qu’après avoir exploré la profondeur, la hauteur, la longueur et la largeur de cet espace de la conscience, qu’il le nomme le Vide.

  9. Dans le yoga suit l’expérience d’une Présence. Et pour bien montrer que ce Vide n’est pas vide, creux et négatif, il vaut mieux traduire shunyata par Vacuité. C’est un vide plein d’une Présence qui vibre, qui est amour et qui nous instruit. C’est même l’expérience de l’Etre, mais infini et absolu, pas d’un être.

10. ­On rencontre alors le Sat-Chit-Ananda. ­L’expérience de l’Etre est troublante, car cet Etre n’est pas une personne. Si l’on continue en se dépouillant de son Ego, on apprend vite que ‘‘Çà n’a pas de nom’’ et qu’il est interdit de lui donner un nom, car sinon on le personnalise. On fait alors l’expérience du Transpersonnel. L’Absolu est absolument sans limite, même pas celle du Dieu d’une civilisation, ou archétype culturel. Nous retrouvons le même type d’expérience dans ces confidences de Ramana Maharshi : ‘‘La pensée ‘‘je suis Brahman’’ doit disparaître. C’est véritablement comme plonger son regard dans le vide. Aucune pensée n’est compatible avec la Réalisation. La Réalité est ce qui transcende tout concept, Dieu y compris’’.

 Et l’on n’en finit pas de décrire les différentes facettes de cette expérience. D’autres parlent d’une Eveil, le second éveil à partir de la conscience vigile pour retrouver sa vraie nature. Cet éclair soudain peut se faire sous la forme d’une Illumination, l’entrée dans une Lumière vivante autant que vivifiante dont émane l’Amour. La Libération (Moksha) est atteinte par la sortie de la triple illusion (maya) de la parole, du monde et de l’ego.

 Et ceci se réalise dans un état de joie indescriptible, la Joie suprême, la Béatitude (ananda) : être restauré dans son état originel, l'orgasme qui ne cesse pas, l’état normal que l’on n’aurait jamais dû oublier. Aucun mot ne convient pour exprimer une telle réalité, même pas le bonheur absolu ou la Joie parfaite. Voilà finalement l’apport essentiel de la méditation: retrouver l’énergie créatrice présente au fond de chacun ‘‘avec une Joie et des Délices tels que nul ne peut en témoigner en termes suffisants’’ comme le reconnaissait déjà Maître Eckhart en 1320.

Pour en savoir plus :

Descamps Marc-Alain , LA MEDITATION , apprendre à méditer vraiment,  éditions Accarias-L'Originel , 2014

http://www.europsy.org/marc-alain/meditation.html
 

"LA PRATIQUE DE L'ECOUTE"


"Le principal objectif de la pratique, c'est de tout faire en pleine conscience : nous établir ici et maintenant et vivre pleinement l'instant présent ; écouter avec de la compassion dans notre coeur ; parler de la peur, de la colère et de la haine qui sont en nous. Quand nous nous sentons écoutés pour la première fois, cela nous soulage d'une bonne partie de la souffrance qui était en nous.

Nous souffrons et nous causons de la violence parce que nous ne savons pas communiquer et que nous ne comprenons pas la souffrance de l'autre. Nous devrions pratiquer l'écoute profonde et compatissante et la parole aimante. Il me semble très important de mettre en place un environnement semblable à celui du Village des Pruniers, de manière à ce que la pratique de l'écoute profonde et de la parole aimante soit possible. Quand vous arrivez à la table de négociations, vous voulez la paix, vous espérez la paix. Mais si vous ne maîtrisez pas l'art de l'écoute compatissante et de la parole aimante, vous aurez du mal à obtenir des résultats concrets, parce que la haine et la colère sont toujours là et qu'elles entravent notre capacité d'apporter la paix.

Nos gouvernements devraient savoir que la pratique qui consiste à restaurer la communication est un facteur de succès très important. Le simple fait d'écouter peut prendre un ou deux mois. Mais si nous ne sommes pas pressés de tirer une conclusion, la paix sera possible. La pratique peut faire disparaître beaucoup de peur et de désespoir. Et si les gens sont capables de communiquer les uns avec les autres, la paix sera beaucoup plus facile (...).

La qualité de l'écoute profonde est le fruit de la pratique. Si nous n'y sommes pas entraînés, nous aurons beaucoup de mal à écouter les autres. Nous savons qu'il y a beaucoup de gens, des pères et des mères, qui sont incapables de parler à leurs enfants, même si leur plus grand désir et de communiquer en profondeur avec leur fils, leur fille ou leur partenaire. Mais ils n'y arrivent pas. Malgré leur désir d'utiliser la parole aimante et l'écoute profonde pour leur dire ce qu'ils ressentent, au bout de quelques minutes, ils ont tant de colère dans leur coeur qu'ils ne peuvent plus continuer. Et tandis que l'autre personne écoute, cela arrose des graines de colère en elle et elle n'est plus capable d'écouter. Quant à la personne qui est déterminée à parler avec bonté aimante, nous savons qu'en parlant, elle touche les blocs de souffrance, de désespoir et de colère qui sont elle, c'est pourquoi ses paroles sont très vite pleines de jugement, de reproches et d'irritation et que l'autre ne peut plus écouter.

Sans entraînement, ce n'est pas possible, mais cinq jours d'entraînement peuvent suffire à restaurer la communication entre nous et l'autre personne.

Le secret du succès est le suivant : quand vous écoutez l'autre, vous êtes conscient que vous n'avez qu'une chose à faire : offrir à l'autre une occasion de vider son coeur. Si vous êtes capable de garder la compassion vivante et de rester assis pendant une heure pour écouter, même si ce que dit l'autre est plein de perceptions erronées, d'accusations et d'amertume, vous êtes déjà protégé par le nectar de la compassion dans votre coeur. C'est pourquoi vous pouvez continuer à écouter. Si vous ne pratiquez pas la respiration consciente afin de maintenir la compassion vivante, vous perdez votre capacité d'écoute, votre colère va monter et la personne va cesser de parler.

L'écoute n'a qu'un seul but : permettre à l'autre de vider son coeur. Si vous pratiquez ainsi, la compassion sera toujours là. Si la conscience est là, je suis sûr que vous savez tous ici que la haine, la violence et la colère ne peuvent être neutralisés et guéris que par une seule substance : la compassion. L'antidote de la haine et de la violence est la compassion. Il n'y a pas d'autre médecine. Malheureusement, la compassion n'est pas quelque chose que l'on trouve dans les supermarchés. Il faut générer le nectar de la compassion dans la lampe de votre coeur.

Pour générer l'énergie de la compassion, si la compréhension est là, la compassion sera là. La compréhension est le fruit du regard profond. Prendrons-nous le temps de nous arrêter pour regarder profondément telle personne ou tel groupe de personnes ? Si nous sommes débordés, emportés par nos projets, notre peur de l'avenir, notre incertitude, notre avidité, comment aurons-nous le temps de nous arrêter pour regarder profondément la situation - la situation de notre bien-aimé, de notre famille, de notre communauté, de notre pays et des autres pays ?

Avec le regard profond, nous voyons que nous souffrons, mais que l'autre souffre aussi. Non seulement notre groupe souffre, mais aussi les autres groupes. Dès lors que ce genre de conscience est né, nous savons que punir n'est pas la réponse.

La violence est une injustice. Toutes les formes de violence sont des injustices. Nous ne devrions pas imposer cette injustice, que ce soit à nous-même ou aux autres. Celui qui veut punir est habité par la violence. Celui qui se réjouit de la souffrance infligée aux autres est habité par la violence. La violence ne doit pas être la réponse à la violence. Répondre à la haine avec de la haine ne fait que multiplier la haine par mille. La seule façon de désintégrer la haine consiste à répondre à la haine par la compassion. Comment faire ? Que faire pour que l'énergie de la compassion puisse apparaître ? C'est précisément notre pratique, notre pratique quotidienne. Comment nous nourrir du nectar de la compassion et de la compréhension, tel est notre objectif premier. "

VÉNÉRABLE THICH NHAT HANH

Traduit par Marianne Coulin