vendredi 14 février 2014

"HARA ET TAN TIEN"




Par Jean Pierre FONTAINE

INTRODUCTION

Le CHI : de quoi s’agit-il?

D’après la tradition chinoise, nous avons tous notre propre CHI.

Cette énergie vitale est présente dans tous les êtres vivants, dans les animaux comme les plantes. Elle est bien connue en acupuncture et représente l'assise même de plusieurs arts orientaux dont la calligraphie, les arts floraux ou les arts martiaux. Cela nous apparait encore bien obscur à ce stade

Pour mieux appréhender cette énergie il faut déclencher le travail interne du Chi.et pour ce faire, on peut s’appuyer sur le hara

Faire travailler son centre ou hara c’est en prendre conscience et se rendre compte de son existence est un grand pas pour chacun de nous

Ainsi dans la pratique des arts martiaux nous avons tous, au sein du Dojo, entendu des phrases comme celle-ci :

"Prend son centre !", "Rentre dans son centre !", " Avance ton centre !"…

Dans la pratique de l'Aïkido ou du karaté, les techniques que l’on nous apprend, les réflexes que l’on tente de nous faire acquérir et qui sont presque toujours conditionnés par le positionnement de ce fameux "centre", nous amènent à le considérer comme un élément majeur.

Ce positionnement du centre intervient aussi dans la pratique du hatha-yoga pour pouvoir réaliser certaines postures, qui ne pourraient être abordée sans celui-ci.

En réalité, ce "centre", désigné en Japonais par le Hara, ne se satisfait pas d'être un point physique d'équilibre, correspondant au centre de gravité, localisé à quelques centimètres sous le nombril.

Il revêt une importance qui dépasse largement celle de la pratique sportive puisqu’il détermine un fondement important de l'être.

Comprendre le véritable sens du Hara permet de progresser dans la pratique des arts martiaux ou du yoga puisque grâce à lui, nous prenons conscience que l'apprentissage ne se limite pas à l'acquisition d'une somme de techniques.

A première vue tout dans l'univers subit la loi de la pesanteur, chaque objet a un centre de gravité. Pourtant, tout ce qui vit s'oppose à cette loi : du moindre brin d'herbe jusqu’à l'arbre qui tend vers le ciel; tant l'animal que l'homme qui, eux aussi, se redressent et bougent. Il faut savoir que le Hara se trouve au même endroit que notre centre de gravité!

Aussi, travailler le Hara nous fait découvrir une autre relation, d’abord avec l’effort musculaire , on peut réaliser des choses surprenantes avec la pesanteur, on s'amuse avec elle, on se joue d'elle parfois, pour atteindre un équilibre remarquable qui change notre relation avec notre environnement!

Le hara est un peu "la poignée" du Tan Tien qui est une zone du corps, située dans le ventre, où se concentre naturellement notre énergie.

Les rares écoles qui en parlent (dans des disciplines telles que le yoga, la méditation, le Zen, le Gong Fu, la médecine chinoise et l'acupuncture, notamment), le traduisent par un concept, une théorie ou un élément de tradition.

C’est bien plus que cela car, par le biais d'un travail musculaire précis, vous apprenez à le sentir physiquement et à l'utiliser concrètement

Postulat :

Pour bien appréhender la notion de Hara, il faut considérer l’homme comme un être bipolaire, dans lequel coexistent le Moi et le Hara, le ciel et la terre.

LE MOI

Dans le Moi, "symbole de notre conscience naturelle", sont rassemblés l’entendement, la volonté et les sentiments, respectivement représentés par la tête, la poitrine et le cœur.

• L'entendement, c'est la raison, le siège de notre rationalité.

• Les sentiments, à l'inverse, relèvent de l'impulsion, de l'instinct.

• La volonté se situe entre les deux. On pourrait la considérer comme un "sentiment raisonné".

LE HARA

Certains affirment que le Moi est comme un arbre dont la cime ne peut se développer sans les racines, c’est à dire sans le Hara,

Plus exactement, un développement du Moi sans "posséder" le Hara entraîne un déséquilibre de l’être. "Posséder" le Hara signifie, en prendre conscience et le maîtriser. Or la Voie de l’homme réside précisément dans la recherche de son équilibre, "le développement de son être profond". L’équilibre doit ici être pris dans le sens équilibre physique, psychique mais également spirituel.

Le Hara représente les racines de l’homme. Il est le rappel constant de ses origines, il rassemble toutes les énergies et tous les éléments. C'est le fond de l'être, inébranlable, indestructible, qui le lie irrémédiablement à la nature dont il est issu. C'est par lui que l'homme développe sa richesse intérieure. Il est la base de "l'attitude juste".

LE HARA ET L'AIKIDO

A partir des liens qui unissent le Moi et le Hara dans un ensemble que l'on pourrait appeler "l'être complet", nous voyons bien à quel point l'acquisition du Hara, et donc le travail du centre, est une donnée essentielle.

Le Hara nous assure un équilibre physique nécessaire, on parle alors de stabilité au sol, d'enracinement, ce qui constitue la partie visible de l'acquisition du Hara.

Il nous assure également une stabilité psychique qui est la capacité à se maîtriser en toute circonstance, à garder le contrôle de soi quelles que soient les influences extérieures. Il nous permet d'accéder à l'énergie pure, tirée de la nature, à des forces nouvelles grâce auxquelles nous pourrons atteindre un niveau plus élevé de spiritualité.

Cette nouvelle dimension explique l'absence de la compétition dans la philosophie de certains arts martiaux. Elle nous renvoie également à la conception qui confère aux grades et au nom des techniques une importance relative. A travers la pratique du yoga ou des arts martiaux et en particulier l'Aïkido, ce n'est pas le résultat visible, la réalisation d'une technique, qui est visé, mais bien le résultat intérieur, la réalisation de soi. Ce concept est d'autant plus difficile à assimiler que nous sommes habitués, dans nos cultures occidentales, à mesurer la performance et à nous "arrêter au résultat acquis». A partir de là, la pratique n'a pas de fin, c’est le chemin qui est important non le but, la quête de soi s'achevant avec la fin de l'être.

LA PRATIQUE REGULIERE

C'est la régularité de l'exercice qui nous permet de suivre la Voie.

A ce propos, un Maître zen japonais dont le nom est OKADA TORAJIRO a utilisé la métaphore suivante :

"Placez une carpe dans un étang, au milieu duquel il y a une pierre ; placez une autre carpe dans un second étang, dépourvu de pierre. Dans le premier étang, la carpe nagera autour de la pierre, et cela lui procurera un exercice constant, sans pour autant éprouver de la résistance. Vous verrez qu'elle grossira plus vite que la carpe de l'autre étang : cela vient de la répétition sans fin du même exercice."

L'exercice régulier nous permet d'acquérir une somme de techniques. C'est après l'acquisition de toutes les techniques d'une discipline que "l'élève pourra relâcher l'emprise de son Moi qui constitue un obstacle sur la Voie aussi bien par l'ambition et le désir de briller que par la crainte d'échouer qui le caractérise". C'est donc après l'acquisition de toutes les techniques que le vrai travail commence, celui de la maîtrise du Hara, celui de l'enrichissement intérieur.

TROUVER LE HARA

Le hara se situe au centre du ventre, entre nombril et pubis, à la hauteur de la charnière sacro-lombaire. Sa présence peut être ressentie de façon très concrète, réelle, tangible, comme si, à cet endroit, se trouvait une boule de pétanque. Il devrait servir de point d'appui à toutes les postures de yoga.

Le point de repère avant du hara est le point de convergence du tonus musculaire abdominal. Plus ce point est précis et solide, plus on peut avec précision et puissance accéder au hara, où l'énergie se concentre. Le hara cesse alors d'être un concept pour devenir une présence physique tangible. Comme le montre la figure, le coccyx rentre, et le hara sert de point d'appui pour permettre à la colonne vertébrale de se redresser naturellement

Pouvoir littéralement prendre en main le hara demande à la musculature du ventre, du plancher pelvien et des fesses à la fois tonus et souplesse : un ventre tombant vers l'extérieur, des fesses et un plancher pelvien relâchés laissent s'échapper, se volatiliser toute la force vitale. Le hara se dissout, le dos, n'étant plus soutenu, se creuse, les vertèbres s'écrasent ce qui entraîne des problèmes au niveau des lombaires, des sacro-iliaques etc. À l'opposé, un abdomen en béton permet d'accumuler une grande force, mais en bloque en même temps l'usage.

LE HARA ET LE SOUFFLE

C'est sur le hara que s'appuie le souffle pour monter comme une colonne d'air sous pression, venir ouvrir les clavicules, se frayer un passage à travers les muscles et les os des bras pour les étirer lorsque les bras sont levés. L'usage volontaire de la force musculaire pour tirer, pousser, n'est plus nécessaire et devient même une entrave : plus on peut s'en défaire, plus le souffle peut prendre sa place : l'ouverture qui s'ensuit se fait alors toute seule.

C'est aussi grâce à l'appui sur le hara que le souffle descendra dans les jambes à condition qu'elles ne soient pas crispées — jusqu'à traverser la plante des pieds et nous enraciner au sol.

Respirer dans le hara, ce n'est pas respirer dans tout le ventre, mais seulement sous le nombril. Le haut du ventre, la région de l'estomac doivent être maintenus vers l'intérieur : cette zone est destinée à s'effacer au fur et à mesure que l'on progresse sur la voie. Au contraire, la zone située sous le nombril représente ce qu’on appelle « Être essentiel » : plus l'ego diminue, plus l'Être essentiel prend sa place véritable et réciproquement...


LE TAN TIEN

REMPLACER LA TÊTE PAR LE VENTRE

Nous les Occidentaux avons la tendance à vivre dans notre tête, tandis que les Orientaux placent leur centre énergétique et géométrique dans le ventre, le TAN TIEN, la fournaise qui alimente tout le corps. Le Tan Tien est le centre de l'énergie vitale, le Chi. Le TAN TIEN est également le centre de gravité du corps, là ou sont subis les effets de la loi de l'attraction universelle.

Le Tai Chi Chuan place la tête dans le ventre. Pour les Occidentaux, il s'agit de déconditionner notre corps de ces tensions qui nous détournent de ce qui est vivant en nous. Prisonniers de notre propre construction, nous devons retrouver la façon de bouger par une autre voie. Pour y arriver, on fait retrouver à notre corps certains mouvements qui font appel à sa mémoire. Le grand atout de cette technique, c'est qu'elle n'est pas échafaudée sur des constructions verbales. Chacun en fait l'expérience directe.

Ce n'est pas de la danse, il n'y a pas de miroir. Le Tai Chi propose d'aller voir au dedans de nous, avec son corps, pas avec sa tête, contrairement à notre éducation dans la civilisation occidentale.

APPLICATION AUX POSTURES DE YOGA : SOUFFLE ET RESPIRATION

En yoga le souffle et la respiration sont distincts : le souffle est la force qui sous-tend la respiration et qui la porte, comme elle porte les battements du cœur et toutes les activités physiologiques.

Mais à la différence des autres activités physiologiques, la respiration nous offre une prise, un contact avec cette force sous-jacente. Au départ, j'utilise donc la respiration pour guider cette force dans les bras, les jambes, les clavicules etc. ensuite, lorsque je peux laisser tomber tout effort respiratoire, c'est le souffle qui va ouvrir les différentes zones du corps et y porter la respiration.

L'origine de cette force est dans le hara : c'est là que le souffle prend sa source. L'expiration permet de s'en rendre compte. On sent le mouvement des côtes, du diaphragme, du ventre. On laisse ce mouvement se poursuivre même lorsqu'il ne sort plus d'air. On s'aperçoit alors que les muscles du ventre et le plancher pelvien se resserrent comme pour comprimer le hara. Il ne s'agit pas d'expirer à fond, mais plutôt de laisser s'installer une apnée qui n'est ni contrainte ni forcée, qui n'est pas non plus une immobilité mais un mouvement subtil, imperceptible de l'extérieur, qui rassemble le souffle, la force vitale, dans le hara.


LE TRAVAIL SUR L’ÉNERGIE PASSE PAR UNE CONSCIENCE PRÉCISE DU CORPS


Tout travail sur l'énergie doit s'appuyer sur une conscience et un contrôle précis du corps physique, sinon, comme l'apprenti sorcier, on court le risque d'être submergé par les forces que l'on a mises en branle. En apprenant à contrôler les muscles du corps, on s'entraîne à utiliser l'énergie au lieu d'être utilisée par elle..,

Ne perdons pas de vue non plus que le but de tout ce travail, c'est de nous amener à accepter l'intégralité de notre être : corps, cœur, âme, esprit, sexualité etc. Sans cette acceptation de toutes les parts de soi, il n'y a pas de progrès possible !

Maîtriser son Hara aide à :

• Sentir sa route

Comme une conviction jaillissant de votre intérieur, comme une certitude. Les autres n’ont pas tort, mais acquérir de l’expérience nécessite de vivre par soi-même les choses.

Les autres ne peuvent décider pour nous, et nous ne pouvons décider pour eux. Nous ne pouvons que suggérer à l’autre. L'imposition est dictature, quel que soit le contexte. Au mieux, de par la validation de notre bonne et juste action dans l'acte manifesté, nous pouvons devenir un exemple pour ceux qui sont dans notre cercle d'influence.

• Selon la tradition, développer son pouvoir de créer et matérialiser le vrai pour soi.

Créer est bon car le mal est, la majeure partie du temps, une action sur l’Autre, que l’on s’arroge, que l’on manipule, maltraite parce qu’on lui enlève le droit de décider, le droit de vivre autrement que nous.

Ce mal provient souvent d’une émotion comme la colère, l’envie, le mépris. Lorsque nous avons travaillé sur nous correctement, nous apprenons à aimer ses limites pour mieux les repousser, à tolérer ses défauts et sa situation matérielle pour mieux les améliorer. A ce moment, l’Autre apparaît comme un double de soi nous exposant par miroir à la face cachée de notre vie.

• Devenir créateur, non plus seulement avec son corps physique et la procréation, mais avec son Âme

Agissant dans les mondes inférieurs, c’est-à-dire créer par soi-même quelque chose de viable (viable dans le sens de « ce qui est en harmonie avec l'univers »). Agir sur la matière mentale en toute connaissance de cause.

Lors de la procréation, chacun d'entre nous est contraint par la nature de notre corps physique à rechercher l’autre moitié qui nous manque, au niveau exotérique.

Mais créer au niveau ésotérique nécessite que nous réalisions notre mariage intérieur. Découvrir que la respiration est primordiale, comme porteuse de pouvoir hors des pulsions émotives et des états d'esprit extrêmes, est primordiale afin d’avancer.

• Acquérir son libre arbitre envers et contre tout.

A savoir, prendre et assumer ses décisions, dans la limite de la liberté individuelle, sans jamais laisser l’autre nous envahir et/ou prendre la décision à notre place.

• Accepter que l’autre nous remette en question,

Nous mette au défi de prouver la validité de nos principes, nos idées, nos façons de faire, sans pour autant tolérer des relations basées sur la destruction mutuelle du dialogue de sourds.

• Rester à l’écoute

En ayant la souplesse du bambou qui plie, qui s’adapte, tout comme l’eau à son contenant, sans pour autant y perdre son âme.

Enfin maîtriser son Hara, c’est établir un contact avec son essence, son âme

Car respirer au niveau du bas ventre, c’est ventiler, faire vivre cette essence, la bonifier, l’affiner par la somme d’expérience que la vie nous apporte.

C’est aussi prendre conscience que ce centre regroupe trois axes (pour trois dimensions et trois corps) de nature triple, dont les 7 chakras, sont les plans de conscience mais aussi les portes.


Il convient de développer un travail musculaire précis pour toucher, puis pour « tenir » le hara donc le Tan Tien

Une fois tenu, l’utiliser pour changer progressivement notre perception de l'effort

Que ce soit en position assise, couchée ou debout en mouvement, notre Tan tien va devenir un point d'appui bien physique, indispensable pour agir. De même que pour marcher nous avons besoin que le sol ne se dérobe pas sous nos pieds, pour avancer à l'intérieur, dedans, pour intervenir et agir avec le Chi, nous devrons nous appuyer sur le Tan Tien

CONCLUSION

Avancer dans la Voie, parvenir à la réalisation de soi, signifie se libérer du Moi pour prendre conscience de son Hara et parvenir à le maîtriser.

L'exercice seul permet d'avancer dans la voie. Ainsi, au Japon, la calligraphie, le théâtre, la cérémonie du thé ou les arts martiaux permettent à l'être de se réaliser par la maîtrise du Hara. Le chemin reste néanmoins long, car s'il correspond pour chacun à ce qu'il lui reste à vivre, il a toujours le sentiment que le plus court est passé.

 http://partageetconnaissance.e-monsite.com/pages/hara-et-tantien.html

Voir: http://mawashido.free.fr/quotidien.htm

 

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