jeudi 27 février 2014

"ENDORPHINES ET EXTASE"


Est-ce que les endorphines permettent d'expliquer le bien-être éprouvé en méditation ? Si par une pratique précise on peut fabriquer sa propre morphine à l'intérieur du corps, n'est-ce pas un gage d'autonomie par rapport à toutes sortes de dépendances, depuis la drogue et l'alcool jusqu'à cette dépendance fondamentale qui consiste à rechercher le bonheur à l'extérieur alors qu'il est déjà là, présent en nous ?

Pour aller droit au fait, on peut dire d'emblée que les endorphines ne sont pas la nouvelle panacée universelle, et qu'on n'en fera pas les "pilules de l'extase" que certains attendent peut-être; mais que leur découverte dans notre organisme depuis une quinzaine d'années ouvre de nouvelles perspectives sur le lien corps-esprit, avec des conséquences indirectes sur la compréhension du mode d'action de la méditation.

Qu'entend-on par endorphines ? Ce sont des peptides, c'est-à-dire de courtes chaînes d'acides aminés; on les qualifie d' "opioïdes" car ils ont une action similaire à celle de l'opium et de la morphine. Ils ont été découverts par J. Hugues en 1975. Ils sont fabriqués au niveau de l'hypophyse et localement a la jonction entre les neurones; ils peuvent, au moins pour la bêta-endorphine, passer dans la circulation générale et être dosés. On trouve des récepteurs à endorphines également dans la peau, les intestins, le cœur et d'autres organes. Pour savoir si une action physiologique, par exemple une anesthésie, est médiatisée par les endorphines, on administre au sujet un antagoniste des morphiniques, en général la Naloxone. Si l'anesthésie cesse, cela signifie qu'elle était due aux endorphines. On a montré ainsi que l'anesthésie par acupuncture était médiatisée en partie par les endorphines. On a également prouvé le rôle des endorphines dans de multiples situations, la situation typique étant l'effort positif à pleine capacité.

Parmi les quatre cent trente articles sur les endorphines dont j'ai pu voir la liste à la Bibliothèque Centrale de l'École de Médecine à Paris, je n'en ai trouvé aucun qui parle nommément de méditation, ce sujet d'étude n'étant guère prioritaire dans les équipes de recherche. Cependant, une étude du Dr Levine de l'université de Californie peut être reliée indirectement à la méditation: Levine a montré que les endorphines médiatisaient l'effet placebo, c'est-à-dire que les patients qui suppriment leur propre douleur en croyant avoir reçu un médicament efficace le font par l'intermédiaire des endorphines. Si on leur administre de la Naloxone, I'effet placebo est supprimé et les patients souffrent de nouveau. L'effet placebo est un exemple particulier d'auto-suggestion qui est une méthode qu'on peut relier sans difficulté à de nombreuses sortes de méditation, même si ces dernières ne sont pas réductibles exclusivement à une auto-suggestion. De plus, il y a un rapport entre la concentration du prana, ce flux d'énergie que l'on concentre spontanément ou systématiquement dans certaines parties du corps, et la stimulation par aiguilles d'acupuncture; or, nous avons vu que l'action de celle-ci se fait en partie par l'intermédiaire des endorphines. Il n'est donc pas absurde de parler du lien entre méditation et endorphines, bien que nous ne puissions que souhaiter en avoir une confirmation expérimentale directe dans un avenir proche. Pour décrire plus précisément l'action des endorphines sur le corps, prenons le cas de la bêta-endorphine qui est sécrétée en cas d'exercice sportif pratiqué à 80% ou plus de la capacité maximale du sujet.

La sécrétion des endorphines est maximum en une minute, et semble influencée, en plus de l'effort, par des facteurs psychologiques. Elle dure en plateau pendant quinze minutes pour s'effacer en quarante-cinq minutes. Les endorphines semblent avoir pour fonction de donner une euphorie, un oubli de la douleur qui permet de se surpasser soi-même. On les a impliquées dans l'euphorie du combat qui permet à quelqu'un dont le bras, par exemple, vient d'être arraché après un obus, de continuer à tirer de l'autre bras. Elles favorisent la résistance au froid et sont certainement en cause dans les exploits des yogis qui vivent à peine vêtus dans le grand Himalaya. Elles sont augmentées pendant l'accouchement pour permettre à la mère de faire face aux douleurs. Les femmes qui ont eu l'habitude de l'exercice sportif pendant leur grossesse, c'est-à-dire qui ont l'habitude de produire leurs propres endorphines, en ont un taux supérieur dans le sang au moment de l'accouchement et supportent mieux les contractions que les femmes qui n'ont pas fait d'exercice.

Les endorphines augmentent la glycémie et la palatabilité, c'est-à-dire le plaisir pris à manger les aliments. 


Ces deux éléments contribuent sans doute à la sensation globale d'euphorie. Fait intéressant pour les méditants: les endorphines sont à leur maximum à six heures du matin; l'expérience de méditation risque donc d'être plus gratifiante à cette heure-là, pour peu qu'on ait suffisamment dormi auparavant, et les douleurs dues à l'immobilité de la posture risquent d'être mieux supportées. Les endorphines, par ailleurs, sont diminuées chez les arthritiques. Or, les effets de la pensée positive pour favoriser la guérison de l'arthrite sont connus. En rapprochant ces deux faits, il n'est pas interdit de penser que les endorphines sont un neuro transmetteur en cause dans l'amélioration, voire la guérison, de l'arthrite. Il ne faut cependant pas faire des endorphines une substance miracle. Elles inhibent le rythme des hormones sexuelles et peuvent induire un retard de la venue des règles et de la puberté chez des adolescentes qui pratiquent un sport intensivement. De plus, elles provoquent une inhibition des défenses immunitaires quand elles sont en quantité abondantes dans le sang, par exemple dans la demi-heure qui suit l'effort; elle peuvent aussi faire oublier ses propres limites et donner lieu à des accidents.


L'arrêt du mental: endorphines, drogue et extase

Les endorphines sont des opiacés: ceux-ci ont des propriétés de "stupéfiants". Par ailleurs, le mot "stupéfaction" revient souvent dans le vocabulaire des mystiques. En commun, il y a un arrêt du mental. De même, l'ivresse, l'intoxication peuvent être divines. Les souris, particulièrement Omar Khayyam, ont poussé assez loin l'analogie. L'alcool donne une certaine sensibilité et permet d'avoir une conscience relativement détachée du corps.

Par ailleurs, on sait que, par une succession de réactions biologiques, I'alcool en vient à agir sur les mêmes récepteurs que les endorphines. Cela est à rapprocher du fait que chez les alcooliques les endorphines sont basses: elles n'ont plus besoin d'être synthétisées puisque l'alcool prend leur place. Ce bas niveau pourrait expliquer le caractère pénible, douloureux de l'état de manque chez l'alcoolique, qui n'est pas sans rappeler l'état de manque chez l'héroïnomane. Les opiacés provoquent la stupéfaction, l'arrêt du mental entre autres par le blocage des sensations douloureuses; celles-ci sont à la base d'une agitation constante du mental ordinaire, qui se défend en permanence contre telle ou telle petite gêne ou douleur. De plus, ils paralysent la motricité intestinale qui est probablement reliée à la sensation de mal-être quand elle est accélérée (diarrhée, stress) et à une sensation de bien-être quand elle est diminuée ou ralentie.


Le véritable arrêt du mental n'est pas seulement un arrêt du bavardage et de l'imagerie intérieure: il est lié à un arrêt du mouvement interne des sensations ce qui pour les yogis, correspond au samadhi. Cet arrêt provoque un bonheur intense, bien au-delà des bonheurs habituels; même un arrêt partiel du mental procure une expérience de bonheur hors de l'ordinaire.

Quand on envisage les choses dans une perspective suffisamment large, il est erroné de dire que l'extase est une forme d'expérience de drogue sublimée. C'est plutôt le contraire: le drogué dévie de l'expérience du soi dont il a eu un reflet à travers la prise de toxiques; le bonheur qu'il en a éprouvé fait qu'il cherche à le retrouver par tous les moyens, même s'il doit au bout du compte le payer très cher.

A l'inverse de la drogue, les débuts de la méditation sont difficiles; ils demandent une discipline pour apprivoiser son mental, son attention. Il faut payer le prix au début, mais après, le fait de n'avoir même qu'un avant-goût de l'expérience de l'arrêt du mental est suffisant pour récompenser ses efforts et donner envie de continuer. Les témoignages traditionnels convergent autour de cette expérience: au début des Yoga sutras de Patanjali, la définition du yoga est célèbre: citta-nirodha, l'arrêt du mental. Nisargadatta Maharaj parle même d'abandonner le sentiment de "je suis", et compare concrètement le samadhi à de l'eau bouillie qui repose: non seulement elle est immobile, mais les germes des désirs égoïstes qui existaient en elle ont été tués. Il dit par ailleurs: «La Connaissance n'a pas besoin de paix et de quiétude, car elle est en elle-même paix et quiétude. Dans ce principe de la quiétude fondamentale, sans dualité, il n'y a pas de changement, quel que soit le moment.»

Dans le bouddhisme, le terme nirvana- cessation-parle de lui-même; ceux qui ont tant soit peu d'expérience spirituelle comprendront tout le potentiel positif de liberté et de bonheur intérieur qu'évoque ce terme. Le zen est fondé sur mu-la vacuité. Maître Eckhart exprime cette expérience d'arrêt du mental de diverses manières, entre autres lors d'un sermon sur la Béatitude de la pauvreté: «Ici, dans cette pauvreté (de ne rien posséder), l'homme retrouve l'être éternel qu'il a été, qu'il est maintenant et qu'il demeurera à jamais.»

Chez les Pères du désert et dans le monachisme grec, I'hésychia-la quiétude- tient la première place, qu'il nous suffise de quelques citations pour le faire sentir. Saint Nil recommande de «s'attacher au chef de file de tous les travaux, l'hésychia, qui montre la contemplation des vertus, douée d'yeux multiples»... Le moine doit avoir «soif de l'hésychia déifiante».Pour lui, le silence est une panacée: «Il n'est pas de souci qui ne puisse être vaincu par le silence. A Dieu lui-même, le silence t'unira...» «Beaucoup de gens courent, pour trouver, mais il n'en est pas un qui trouve, si ce n'est celui qui tient le silence continuellement. »

Il ne faut pas confondre cette grande expérience avec un stade intermédiaire de méditation associé à un plaisir intense; c'est un encouragement, mais il peut donner lieu à une sorte d'accoutumance et on doit être prêt à le dépasser pour aller plus loin. Ramakrishna disait à ses disciples, qui étaient tellement fascinés par lui qu'ils ne pouvaient s'empêcher de revenir tous les jours à heure fixe le visiter: «Vous êtes comme ces paons auxquels on donne quotidiennement et à la même heure une pilule d'opium. On peut être sûr qu'au bout de quelque temps, ils seront obligés de venir au rendez-vous.»

C'est le rôle du Maître spirituel de communiquer une expérience de joie hors de l'ordinaire qui donne au disciple l'envie d'aller plus loin dans sa propre pratique. Dans une étude faite durant les années 70 aux États-Unis, sur deux mille sujets s'étant mis à pratiquer la méditation pendant deux ans, les pourcentages de consommateurs de drogue ont diminué significativement. Au début, 80% des sujets prenaient de la marijuana, au bout de deux ans, ce taux était descendu à 20%. Pour le LSD, le pourcentage d''intoxiqués passait de 60% à 5% et pour les amphétamines, de 35% à 5%. Le fait qu'on puisse se mettre bien par soi-même sans l'aide d'aucun produit extérieur me semble important à dire et à redire du point de vue médical comme du point de vue spirituel et ce, surtout pour un public français, quand on sait que nous battons les records de consommation de vin et de tranquillisants par habitant...


Recherche en physiologie et expérience traditionnelle

Si un fait d'expérience traditionnelle est corroboré par la recherche en physiologie, tant mieux. Cela pourra aider des débutants qui n'ont foi que dans la science à s'intéresser au savoir traditionnel. Mais ne nous faisons pas d'illusion: le principe de base de la tradition est l'expérience personnelle, on peut difficilement échapper à cette loi. Ainsi, il n'y aura pas de miracle tant que les gens ne se mettront pas à pratiquer, même si on réussit à prouver scientifiquement que la méditation fait produire des endorphines euphorisantes en plus des effets anti-stress déjà connus. C'est archiprouvé scientifiquement que le tabac et l'alcool sont nuisibles pris en excès, mais combien de gens font semblant de ne pas le savoir pour continuer à s'intoxiquer ! Même si nous réussissions à fabriquer à partir des endorphines des pilules-miracle, des "euphories", cela ne changerait rien au problème de base: pour quelles raisons allons-nous mal, quel est le pourquoi et le comment de notre souffrance, comment peut-on agir sur ses causes ? Les processus de conscience qui mènent aux expériences de méditation sont au fond plus importants que les expériences elles-mêmes: celles-ci passent, mais ce qu'on a compris pour y arriver reste. L'éveil se fait en nous-même et par nous-même: par exemple, c'est encore par nous-même que nous pouvons le mieux trouver un antidote à un neuro-peptide dont l'action est fort répandue chez les méditants, surtout tôt le matin et tard le soir: "l'endormine" !... Il serait excessif de faire des endorphines une sorte de véhicule tout puissant de la pensée positive, même si on réussit à confirmer le lien entre les deux. Certes, les Simonton guérissent des cancers en faisant visualiser aux patients des leucocytes mangeurs de cellules malignes, pourquoi, alors, ne pas se servir des endorphines pour concrétiser une pensée positive ? Tant mieux si cela marche, mais il faut savoir qu'on reste au niveau d'un truc de visualisation et que les réalités neurochimiques sont plus complexes et plus contradictoires que cela. Du point de vue du yoga, les phénomènes neurophysiologiques sont seulement des corrélatifs, des conséquences de ce qui se passe à un autre niveau. Nous sommes inconsciemment héritiers de la pensée mécaniste des chimistes du XIXe siècle. La vie, l'esprit se réduiraient à un ensemble de réactions chimiques; mais en cette fin du XXe siècle revient au premier plan, par de multiples voies, la notion que l'homme est relié à ce qui l'entoure, au pouvoir cosmique, au "champ unifié" pourrait-on dire pour ne pas rentrer dans trop de particularités culturelles. 


Le fait d'être dans une situation de stress intense et d'avoir soudain une force insoupçonnée pour la dépasser est pour le yogi le signe de l'intervention d'un pouvoir "autre"-qu'on l'appelle pouvoir de l'Autre ou Kundalini, qu'on le fasse venir d'en haut ou d'en bas, peu importe. Le fait de savoir ou de ne pas savoir que ce phénomène peut être corrélé à tel ou tel neuromédiateur n'empêche pas de le comprendre et de l'utiliser. 

En Inde, on trouve de nombreux exemples de gurus qui mettent intentionnellement leurs disciples dans des situations extrêmes pour déclencher chez eux l'éveil d'une énergie dormante. Dans le zen, le rythme soutenu et prolongé des sesshins permet également ce dépassement de soi-même. Dans le monachisme chrétien, on peut rapprocher de ce processus l'ascèse du staretz Silouane du Mont-Athos: «Se tenir en enfer et ne pas désespérer.» Le risque de telles méthodes fortes, si elles sont mal indiquées, est de créer un dégoût que même le souvenir d'une éventuelle euphorie des endorphines ne réussira pas à dissiper. 

Pour donner un autre exemple de la prudence nécessaire dans le rapprochement d'éléments de recherche scientifique et d'expériences traditionnelles, on peut parler du lien entre méditation et hémisphère droit, lien qui n'est en fait que partiellement justifié. C'est ce que montre un article de J.B Earle qui avait fait à l'époque une synthèse d'une centaine de publications sur le sujet. L'idée de départ était logique: la méditation cherchant à inhiber le mental verbal, rationnel (hémisphère gauche) et à stimuler les capacités intuitives (hémisphère droit) on devrait observer une certaine prédominance droite, au moins pendant et juste après la méditation. 

Certes, L’hémisphère droit est physiologiquement lié à l'attention soutenue et à la production d'images mentales. On constate qu'il est stimulé chez les débutants en méditation alors que l'hémisphère gauche est inhibé. Cela correspond sans doute au fait que le débutant s'efforce de faire taire le bavardage mental et se trouve envahi par un afflux d'images mentales qu'il ne réussit pas encore à contrôler. 

Mais quand le méditant progresse, ce n'est plus l'excitation de l'hémisphère droit qui est caractéristique, mais une plus grande synchronicité intra et inter-hémisphérique des ondes enregistrées à l'électro-encéphalographie. Ces ondes sont en phase, ce qui est probablement relié à un glissement de l'activité principale du cerveau du cortex vers les régions sub-corticales; le ressenti du sujet serait alors un sentiment d'unité, de «vacuité de la conscience». Nous en revenons à cette expérience fondamentale de l'au-delà du mental, ou de son arrêt, ce qui a une signification analogue. Témoin, cette histoire zen, pour terminer:

Un jour que le maître Yao-shan Wei-yen était assis tranquillement les jambes croisées, un moine vint et lui dit:

«A quoi pensez-vous dans l'immobilité ? -Je pense à ce qui est au-delà de la pensée.

-Comment faites-vous pour penser ce qui est au-delà de la pensée ?

-En ne pensant pas.»
 Par le Dr Jacques VIGNE


http://www.anandamayi.org/devotees/jv/jv10.htm

lundi 17 février 2014

"ZEN ET MEDECINE CHINOISE TRADITIONNELLE"


On considère ordinairement que la souffrance résulte de la maladie, mais du point de vue du Zen comme de la médecine chinoise, elle peut aussi en être la cause.

Par Michel Champeau

Guérir l’esprit ?

Un des aspects les plus intéressants en médecine chinoise traditionnelle réside dans l’étude des relations entre le corps et l’esprit. Maître Deshimaru parlait souvent de l’unité du corps esprit en zazen.

En chinois, le caractère shen désigne à la fois l’esprit et l’énergie. C’est cette énergie, lorsqu’elle manifeste la vitalité, qui se traduira dans l’apparence par de l’« éclat ». Par exemple, un regard vivace, plein de vitalité, mais aussi un beau légume bien frais. Cela peut s’appliquer à tout ce qui est vivant.

Le caractère xin peut être le coeur mais aussi - et là on est tout à fait au coeur du sujet -, en médecine chinoise, la pensée, l’esprit, et cela inclut tout ce qui est d’ordre sentimental et émotionnel.

Xin shen : le coeur-esprit, l’esprit qui siège dans le coeur. Les Anciens considéraient que le coeur était le siège de ces fonctions où se mêlent intimement l’intellect et l’affectif. N’est-ce pas une des données fondamentales de notre condition, que la civilisation chinoise avait eu la sagesse de reconnaître en des temps anciens ? (Cette sagesse semble malheureusement très délaissée dans la Chine d’aujourd’hui.) En médecine, le coeur est aussi le « maître de la pensée et des émotions ». Ce qui implique directement qu’il peut aussi bien en être affecté.

Si le coeur est directement concerné, en tant qu’organe central, par tout ce qui émane de la conscience ou de l’esprit il n’est cependant pas le seul. Chacun des cinq zang’, ou organes principaux, « organes maîtres » de nature yin, détient des composants de notre psychisme.(Les cinq zang foie, coeur, rate, poumons reins.)

Pour en rester au niveau des émotions, des relations sont établies entre celles-ci, regroupées par similitude en cinq grandes familles, et les cinq zang.

C’est ainsi que sont en quelque sorte codifiées les relations entre le corps et l’esprit en médecine chinoise traditionnelle. Cela peut sembler un peu schématique au premier abord, mais on peut aussi trouver dans cette base d’analyse un grand nombre d’informations parfois difficiles à décrypter. Et il faut également pour s’en sortir faire appel à sa sensibilité, à une compréhension intime pour laquelle zazen peut apporter énormément.

Par exemple : la pensée, la réflexion, les soucis, les pensées réminiscentes ou obsessionnelles, mais aussi le surmenage intellectuel, le manque de sommeil.... avec dans tout cela une composante d’excès, peuvent affecter la rate. Et lorsqu’on parle de rate, il s’agit d’un grand ensemble de fonctions physiologiques dont certains aspects seulement peuvent être concernés, selon les cas. Car chaque individu réagit selon ses particularités, sa constitution, selon son état à un moment donné. Cela pourra se manifester extérieurement par des signes sensibles, palpables (les pouls), ou visibles, qu’il est possible d’identifier. Mais attention, un seul indice ne sera jamais suffisant, et il faudra toujours remonter à l’origine pour trouver une explication cohérente à tout un ensemble de symptômes qui peuvent parfois revêtir une apparence contradictoire.

Ces relations entre différentes fonctions psychiques, les émotions, le coeur-esprit d’une part le corps physique, l’équilibre des organes internes et les fonctions qui leur sont propres d’autre part, sont évidemment réciproques. Une énergie trop faible au niveau de la rate pourra par exemple entraîner des problèmes de mémoire.

Dans le langage imagé du Zen, notre mental est comparé à un singe, animal agile mais agité et imprévisible. La médecine chinoise compare le coeur-esprit à un cheval. Il vaut mieux le surveiller de près car il peut facilement s’emporter, partir au galop. Et si c’est le cas, alors il est très difficile de l’arrêter. Le coeur est parmi les cinq zang celui dont l’aspect yang est proportionnellement le plus fort. Il est concerné par toutes les émotions.

La joie étant le type d’émotions plus particulièrement rattachées au coeur, la disposition idéal du point de vue de la médecin chinoise consisterait à être aisément satisfait, et à connaître une joie douce et harmonieuse… Sympa ?!

Quelles que soient les émotions qui nous traversent, elles devraient toujours rester modérées, tout pouvant affecter notre équilibre, voire aller vers la pathologie. Dans tout les actes quotidiens, aucune énergie ne devrait être déployée inconsidérément, rien au delà du strict nécessaire.

Une joie excessive ou une attitude trop fréquente qui induit cette émotion, conduit à un excès d’énergie yang au niveau du coeur. On peut alors observer de l’agitation, une difficulté à s’endormir, un pouls rapide, une langue rouge, ou bien d’autres signes encore... A un niveau pathologique, on parle de « feu du coeur ».

Voici un passage du premier livre du Nei Jing Su Wen, dont les premières traces historiques se rencontrent dans les Annales des Han (1siècle avant notre ère) : « Les Sages de la haute antiquité apprenaient à chacun à éviter à temps " les perversions d’épuisement et les vents pirates ", et à maintenir, par le calme et la concentration, leur souffle naturel dans la docilité, à bien contenir leur esprit à l’intérieur de telle sorte que les maladies soient sans prise. Grâce à la restriction des appétits et à la contention des velléités, le coeur demeure paisible et sans émoi, le corps travaille sans s’épuiser, le souffle suit un cours régulier et chacun d’eux est satisfait. » (Traduction A. Husson.)

Oubliée dans la Chine moderne, la posture de zazen n’est pas inconnue de la médecine chinoise traditionnelle, qui la classe dans le qi gong internes. Par opposition aux qi gong externes, ceux-là sont sans mouvements et censés occasionner un travail interne sur l’énergie. C’est pourquoi ils sont souvent agrémentés de visualisations des flux énergétiques. Mais le professeur Leung (un de la vieille école) recommandait de laisser tomber ces visualisations, précisément pour ne pas solliciter le mental et le laisser au contraire se mettre au repos le plus complet. Tout en apaisant le coeur et les émotions, par l’effet du souffle et de la posture, l’énergie vitale se régénère.

Alors, qu’est-ce que la santé ? Pourrait-on la définir à partir de ces éléments ? Y a-t-il un point de vue zen sur cette question ?

Tout le monde souhaiterait vivre longtemps, heureux, avec une bonne énergie, sans connaître la maladie, mais en même temps le réflexe le plus répandu serait aussi de bien en profiter, de connaître tous les plaisirs de la vie ; on est prêt à se « défoncer au boulot » pour gagner beaucoup, réussir... et griller la chandelle par les deux bouts. Bref, on voudrait tout avoir.

Sensei enseignait de se donner sans réserve pour un véritable idéal, au-delà de notre ego. La longévité, la santé, n’est plus alors un but en soi. Pourtant et cela c’est seulement la pratique qui peut le confirmer zazen est l’équilibre, le retour à la condition normale du corps et de l’esprit, disait Sensei. Mais zazen est aussi au-delà de la santé et ne peut compter la recherche de nos satisfactions personnelles. « S’oublier soi-même », « rejeter le corps et l’esprit »…

Si la santé n 'est pas en soi un objectif suffisant, elle est cependant nécessaire, pour pouvoir continuer. Cela aussi, Sensei l’a toujours dit. On se souvient à ce propos, des « nouveaux préceptes » qu’il voulait enseigner, peu de temps avant de nous quitter. Parmi ceux-ci, il y avait : « Travailler pendant la journée et dormir la nuit. » L’idée est très simple, n’est-ce pas ? Très yin-yang aussi.

La médecine chinoise traditionnelle est pour une large part fondée sur l’expérience. L’expérience de données accumulées et complétées sur plusieurs millénaires, mais aussi l’expérience humaine, l’expérience de la vie, ici et maintenant fondée sur des qualités de sensibilité et d’intuition. Sur bien des points, l’expérience de zazen peut aider à comprendre et à approfondir des assertions de la médecine chinoise comme celles se rapportant aux relations du coeur, du mental et des fonctions physiologiques dont on a un peu parlé.

Sans une expérience de toutes les dimensions de l’existence, incluant la référence de zazen, il n’y aurait là qu’une liste interminable de connaissances sans grand intérêt.

Sur la question de la santé, une comparaison du Zen et de la médecine chinoise traditionnelle serait du type : racine = pratique, branches = connaissances.

On peut en faire le petit schéma de la page précédente (pourquoi pas ?), et ça donne une belle posture. Zazen est une racine dans notre vie. C’est la pratique qu’il faut réactualiser constamment. C’est la plus haute dimension de notre existence. Pour continuer zazen, il faut se maintenir en bonne santé. La médecine a pour préoccupation la santé. Ce sont des connaissances intéressantes et utiles. Elles peuvent fournir des moyens d’analyse pour une compréhension de nos mécanismes intimes, de notre équilibre, de nos déséquilibres.

Ces connaissances peuvent évidemment aboutir à des méthodes thérapeutiques dont la plus connue est l’acupuncture. Il y a aussi la pharmacopée, les massages, la diététique. Mais cela soulève un autre problème. Si on se pose la question de définir la santé et si on la conçoit en termes de soins et de guérison, alors il faudrait aussi définir la maladie.

En chinois moderne, biao signifie exactement : détail, et manifestation extérieure. Ben, c’est la racine, la fondation, la base, l’origine.

Dans - un diagnostic en médecine chinoise, il faut toujours bien distinguer les manifestations d’un déséquilibre ou d’une pathologie, et sa racine, son origine profonde. C’est biao et ben.

Qu’est-ce que la racine ? La véritable cause de nos problèmes et de nos maladies ? Si on va réellement au fond des choses, comment peut-on éluder l’expérience de la vie et ce que nous apporte zazen ? La compassion était un des aspects majeurs de l’enseignement de Maître Deshimaru. Comprendre le karma. Le karma inclut tout : nos données héréditaires, être né à tel endroit de la planète, à telle époque, dans un milieu social et familial donné. Puis notre propre expérience, à commencer par notre enfance. La médecine chinoise, dans ses fondements philosophiques et jusque dans son étude de la physiologie, inclut et distingue toujours ce qui relève de l’inné et de l’acquis.

A moins qu’il ne s’agisse que d’un petit bobo passager, la maladie, comme la vieillesse et la mort, est une des données incontournables de notre condition.

On considère ordinairement que la souffrance résulte de la maladie, mais du point de vue du Zen comme de la médecine chinoise, elle peut aussi en être la cause. C’est dans une analyse de tels processus que réside l’apport des connaissances en médecine chinoise, avec entre autres les relations émotions-organes-manifestations symptomatiques. Ainsi, 80 pour cent des maladies seraient d’origine dite émotionnelle.

Guérir l’esprit, disait Sensei.

Plus la société devient sélective et exigeante, plus les individus peuvent se sentir facilement défavorisés. L’hérédité intervient toujours pour tous, et parfois de façon très handicapante. La souffrance fait partie de la vie, elle est partout, en chacun de nous. A un moment ou à un autre, le karmaa se manifeste. Chacun porte son fardeau.

Pour le bouddhisme et pour le Zen, l’illusion, l’illusion de l’ego est la cause de toute souffrance. Si, dans les phénomènes de notre existence, on recherche la véritable racine de la souffrance, la cause la plus profonde des maladies, on ne peut pas éviter d’en revenir au karma.

En définitive, ces causes-là, ni l’acupuncture ni aucune médecine ne peuvent les guérir.

Et nous-mêmes, qu’est-ce qu’on y peut ?

Seulement zazen.


Michel Champeau

Zen - Bulletin de l’Association Zen Internationale
Association Zen Internationale
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Tél. : 01 53 80 19 19 - Fax : 01 53 80 14 33

http://www.zen-azi.org

http://www.buddhaline.net/Zen-et-medecine-chinoise

"LA DEPRESSION EST UNE OPPORTUNITE"


L’état dépressif est le contraire de la joie de vivre. Pour autant, il ne la fait pas disparaître. Selon le psychanalyste Moussa Nabati, il peut même être l’occasion de sa renaissance.

Bernadette Costa-Prades
Une fois la thérapie terminée, la joie de vivre revient-elle ?

Moussa Nabati : La psychanalyse n’a jamais promis la béatitude, mais elle permet de récupérer l’énergie jusque-là dépensée à lutter contre la dépression, pour la mettre au service de projets nouveaux.C’est la souplesse, le lâcher-prise, la créativité qui reviennent. Ce n’est pas la joie que l’on retrouve en guérissant, mais plutôt la joie d’être en vie, de se sentir vivant. Tant que vous restez dans le combat,vous êtes comme anesthésié,car en voulant faire barrage à la douleur, vous supprimez du même coup les plaisirs ! Quand vous ne l’êtes plus, vous retrouvez la capacité d’accueillir toute la palette des émotions, joie et tristesse comprises. Contrairement à ce que nous souffle notre culture occidentale très manichéenne,qui a du mal à conjuguer les contraires, le bonheur et le malheur ne sont pas antinomiques.

Psychologies : Vous affirmez que la dépression est une chance, n'est-ce pas provocateur ?

Moussa Nabati : Oui, j’ai conscience que, dans notre culture hédoniste qui refuse d’en passer par la douleur, c’est un peu dérangeant. Mais mon hypothèse est que la dépression est une opportunité fantastique pour guérir une bonne fois pour toutes de ses blessures du passé. Entendons-nous bien : je ne dis pas que l’on a de la chance de faire une dépression, mais qu’elle peut être une chance…


Par quel mécanisme ?

Moussa Nabati : Contrairement à ce que l’on croit, la dépression n’est pas la conséquence du coup dur qui la déclenche – divorce, chômage,deuil – ici et maintenant. Cette épreuve vient réveiller une douleur non cicatrisée. La dépression à l’âge adulte entre toujours en écho avec une dépression infantile précoce qui vient refaire surface.

Que s’est-il passé dans l’enfance ?

Moussa Nabati : Les déprimés n’en ont pas eu ! Ils n’ont pas été aimés, choyés,soutenus comme ils auraient dû l’être. Or, l’enfant qu’ils étaient s’en est senti coupable, comme tout enfant mal aimé qui s’accuse des maltraitances qu’il subit. Il a refoulé cette culpabilité, a lutté contre sa déception pour continuer à grandir. À l’âge adulte, cette culpabilité va le pousser à s’autopunir en s’interdisant de goûter au bonheur. Il va encore faire passer les désirs d’autrui avant les siens, dans la tentative vaine de démontrer aux autres son « innocence ». Et puis,un beau jour, un abandon, une perte viennent briser toutes ses digues…


Pourtant, certaines personnes font des dépressions sans véritable facteur déclenchant…

Moussa Nabati : C’est vrai, ces personnes ont, apparemment, « tout pour être heureuses ». Mais elles aussi ont mis en place des défenses pour faire barrage à leur souffrance,en se battant pour réussir leur vie de famille, leur vie professionnelle. Paradoxalement, le jour où elles atteignent leur but, elles se retrouvent face à elles-mêmes, à leur douleur masquée par l’énergie dépensée pour ces réussites. Finalement, l’effondrement peut survenir aussi bien quand tout va mal que quand tout va bien,mais la cause reste la même.

Que faut-il, alors, pour que la dépression soit une chance ?

Moussa Nabati : La dépression va permettre de déposer cette arme du déni, qui a été efficace dans l’enfance pour ne pas sombrer, mais qui ne l’est plus. Quand nous tombons en dépression, c’est que nous sommes prêts psychiquement, nous nous sentons assez forts pour y faire face. Pour en faire une chance, il faut que la personne puisse l’accueillir pour ce qu’elle est : un message envoyé par l’inconscient, et non une maladie à éradiquer. Qu’elle accepte de s’occuper d’elle en effectuant un travail d’introspection, en revisitant son passé avec l’aide d’un analyste afin de comprendre ce qui s’est joué dans son enfance.
Mais cela ne fonctionne pas toujours, certains rechutent…

Moussa Nabati : Pour moi, ils n’ont pas fait ce travail analytique en profondeur, ils ont sans doute voulu aller trop vite pour aller mieux. De plus en plus de thérapies proposent de ne pas s’attarder sur son histoire, de regarder l’avenir en adoptant une pensée positive ; mais si l’enfant intérieur n’est pas soigné,la dépression rejaillira. Ce n’est pas en la niant qu’elle s’en va, mais en acceptant de la traverser. J’ajoute que si les médicaments sont une aide momentanée et indispensable pour soulager la souffrance, ils ne doivent pas remplacer l’analyse. Ce serait aussi peu performant que de se contenter d’antalgiques en cas de fracture ! Ne négligeons pas non plus le fait que certains y trouvent beaucoup de bénéfices secondaires : l’entourage s’occupe d’eux, les plaint… Inconsciemment, ils veulent parfois rester inconsolables.


http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Bonheur/Articles-et-Dossiers/Cultivons-notre-joie-de-vivre/La-depression-est-une-opportunite

vendredi 14 février 2014

"HARA ET TAN TIEN"




Par Jean Pierre FONTAINE

INTRODUCTION

Le CHI : de quoi s’agit-il?

D’après la tradition chinoise, nous avons tous notre propre CHI.

Cette énergie vitale est présente dans tous les êtres vivants, dans les animaux comme les plantes. Elle est bien connue en acupuncture et représente l'assise même de plusieurs arts orientaux dont la calligraphie, les arts floraux ou les arts martiaux. Cela nous apparait encore bien obscur à ce stade

Pour mieux appréhender cette énergie il faut déclencher le travail interne du Chi.et pour ce faire, on peut s’appuyer sur le hara

Faire travailler son centre ou hara c’est en prendre conscience et se rendre compte de son existence est un grand pas pour chacun de nous

Ainsi dans la pratique des arts martiaux nous avons tous, au sein du Dojo, entendu des phrases comme celle-ci :

"Prend son centre !", "Rentre dans son centre !", " Avance ton centre !"…

Dans la pratique de l'Aïkido ou du karaté, les techniques que l’on nous apprend, les réflexes que l’on tente de nous faire acquérir et qui sont presque toujours conditionnés par le positionnement de ce fameux "centre", nous amènent à le considérer comme un élément majeur.

Ce positionnement du centre intervient aussi dans la pratique du hatha-yoga pour pouvoir réaliser certaines postures, qui ne pourraient être abordée sans celui-ci.

En réalité, ce "centre", désigné en Japonais par le Hara, ne se satisfait pas d'être un point physique d'équilibre, correspondant au centre de gravité, localisé à quelques centimètres sous le nombril.

Il revêt une importance qui dépasse largement celle de la pratique sportive puisqu’il détermine un fondement important de l'être.

Comprendre le véritable sens du Hara permet de progresser dans la pratique des arts martiaux ou du yoga puisque grâce à lui, nous prenons conscience que l'apprentissage ne se limite pas à l'acquisition d'une somme de techniques.

A première vue tout dans l'univers subit la loi de la pesanteur, chaque objet a un centre de gravité. Pourtant, tout ce qui vit s'oppose à cette loi : du moindre brin d'herbe jusqu’à l'arbre qui tend vers le ciel; tant l'animal que l'homme qui, eux aussi, se redressent et bougent. Il faut savoir que le Hara se trouve au même endroit que notre centre de gravité!

Aussi, travailler le Hara nous fait découvrir une autre relation, d’abord avec l’effort musculaire , on peut réaliser des choses surprenantes avec la pesanteur, on s'amuse avec elle, on se joue d'elle parfois, pour atteindre un équilibre remarquable qui change notre relation avec notre environnement!

Le hara est un peu "la poignée" du Tan Tien qui est une zone du corps, située dans le ventre, où se concentre naturellement notre énergie.

Les rares écoles qui en parlent (dans des disciplines telles que le yoga, la méditation, le Zen, le Gong Fu, la médecine chinoise et l'acupuncture, notamment), le traduisent par un concept, une théorie ou un élément de tradition.

C’est bien plus que cela car, par le biais d'un travail musculaire précis, vous apprenez à le sentir physiquement et à l'utiliser concrètement

Postulat :

Pour bien appréhender la notion de Hara, il faut considérer l’homme comme un être bipolaire, dans lequel coexistent le Moi et le Hara, le ciel et la terre.

LE MOI

Dans le Moi, "symbole de notre conscience naturelle", sont rassemblés l’entendement, la volonté et les sentiments, respectivement représentés par la tête, la poitrine et le cœur.

• L'entendement, c'est la raison, le siège de notre rationalité.

• Les sentiments, à l'inverse, relèvent de l'impulsion, de l'instinct.

• La volonté se situe entre les deux. On pourrait la considérer comme un "sentiment raisonné".

LE HARA

Certains affirment que le Moi est comme un arbre dont la cime ne peut se développer sans les racines, c’est à dire sans le Hara,

Plus exactement, un développement du Moi sans "posséder" le Hara entraîne un déséquilibre de l’être. "Posséder" le Hara signifie, en prendre conscience et le maîtriser. Or la Voie de l’homme réside précisément dans la recherche de son équilibre, "le développement de son être profond". L’équilibre doit ici être pris dans le sens équilibre physique, psychique mais également spirituel.

Le Hara représente les racines de l’homme. Il est le rappel constant de ses origines, il rassemble toutes les énergies et tous les éléments. C'est le fond de l'être, inébranlable, indestructible, qui le lie irrémédiablement à la nature dont il est issu. C'est par lui que l'homme développe sa richesse intérieure. Il est la base de "l'attitude juste".

LE HARA ET L'AIKIDO

A partir des liens qui unissent le Moi et le Hara dans un ensemble que l'on pourrait appeler "l'être complet", nous voyons bien à quel point l'acquisition du Hara, et donc le travail du centre, est une donnée essentielle.

Le Hara nous assure un équilibre physique nécessaire, on parle alors de stabilité au sol, d'enracinement, ce qui constitue la partie visible de l'acquisition du Hara.

Il nous assure également une stabilité psychique qui est la capacité à se maîtriser en toute circonstance, à garder le contrôle de soi quelles que soient les influences extérieures. Il nous permet d'accéder à l'énergie pure, tirée de la nature, à des forces nouvelles grâce auxquelles nous pourrons atteindre un niveau plus élevé de spiritualité.

Cette nouvelle dimension explique l'absence de la compétition dans la philosophie de certains arts martiaux. Elle nous renvoie également à la conception qui confère aux grades et au nom des techniques une importance relative. A travers la pratique du yoga ou des arts martiaux et en particulier l'Aïkido, ce n'est pas le résultat visible, la réalisation d'une technique, qui est visé, mais bien le résultat intérieur, la réalisation de soi. Ce concept est d'autant plus difficile à assimiler que nous sommes habitués, dans nos cultures occidentales, à mesurer la performance et à nous "arrêter au résultat acquis». A partir de là, la pratique n'a pas de fin, c’est le chemin qui est important non le but, la quête de soi s'achevant avec la fin de l'être.

LA PRATIQUE REGULIERE

C'est la régularité de l'exercice qui nous permet de suivre la Voie.

A ce propos, un Maître zen japonais dont le nom est OKADA TORAJIRO a utilisé la métaphore suivante :

"Placez une carpe dans un étang, au milieu duquel il y a une pierre ; placez une autre carpe dans un second étang, dépourvu de pierre. Dans le premier étang, la carpe nagera autour de la pierre, et cela lui procurera un exercice constant, sans pour autant éprouver de la résistance. Vous verrez qu'elle grossira plus vite que la carpe de l'autre étang : cela vient de la répétition sans fin du même exercice."

L'exercice régulier nous permet d'acquérir une somme de techniques. C'est après l'acquisition de toutes les techniques d'une discipline que "l'élève pourra relâcher l'emprise de son Moi qui constitue un obstacle sur la Voie aussi bien par l'ambition et le désir de briller que par la crainte d'échouer qui le caractérise". C'est donc après l'acquisition de toutes les techniques que le vrai travail commence, celui de la maîtrise du Hara, celui de l'enrichissement intérieur.

TROUVER LE HARA

Le hara se situe au centre du ventre, entre nombril et pubis, à la hauteur de la charnière sacro-lombaire. Sa présence peut être ressentie de façon très concrète, réelle, tangible, comme si, à cet endroit, se trouvait une boule de pétanque. Il devrait servir de point d'appui à toutes les postures de yoga.

Le point de repère avant du hara est le point de convergence du tonus musculaire abdominal. Plus ce point est précis et solide, plus on peut avec précision et puissance accéder au hara, où l'énergie se concentre. Le hara cesse alors d'être un concept pour devenir une présence physique tangible. Comme le montre la figure, le coccyx rentre, et le hara sert de point d'appui pour permettre à la colonne vertébrale de se redresser naturellement

Pouvoir littéralement prendre en main le hara demande à la musculature du ventre, du plancher pelvien et des fesses à la fois tonus et souplesse : un ventre tombant vers l'extérieur, des fesses et un plancher pelvien relâchés laissent s'échapper, se volatiliser toute la force vitale. Le hara se dissout, le dos, n'étant plus soutenu, se creuse, les vertèbres s'écrasent ce qui entraîne des problèmes au niveau des lombaires, des sacro-iliaques etc. À l'opposé, un abdomen en béton permet d'accumuler une grande force, mais en bloque en même temps l'usage.

LE HARA ET LE SOUFFLE

C'est sur le hara que s'appuie le souffle pour monter comme une colonne d'air sous pression, venir ouvrir les clavicules, se frayer un passage à travers les muscles et les os des bras pour les étirer lorsque les bras sont levés. L'usage volontaire de la force musculaire pour tirer, pousser, n'est plus nécessaire et devient même une entrave : plus on peut s'en défaire, plus le souffle peut prendre sa place : l'ouverture qui s'ensuit se fait alors toute seule.

C'est aussi grâce à l'appui sur le hara que le souffle descendra dans les jambes à condition qu'elles ne soient pas crispées — jusqu'à traverser la plante des pieds et nous enraciner au sol.

Respirer dans le hara, ce n'est pas respirer dans tout le ventre, mais seulement sous le nombril. Le haut du ventre, la région de l'estomac doivent être maintenus vers l'intérieur : cette zone est destinée à s'effacer au fur et à mesure que l'on progresse sur la voie. Au contraire, la zone située sous le nombril représente ce qu’on appelle « Être essentiel » : plus l'ego diminue, plus l'Être essentiel prend sa place véritable et réciproquement...


LE TAN TIEN

REMPLACER LA TÊTE PAR LE VENTRE

Nous les Occidentaux avons la tendance à vivre dans notre tête, tandis que les Orientaux placent leur centre énergétique et géométrique dans le ventre, le TAN TIEN, la fournaise qui alimente tout le corps. Le Tan Tien est le centre de l'énergie vitale, le Chi. Le TAN TIEN est également le centre de gravité du corps, là ou sont subis les effets de la loi de l'attraction universelle.

Le Tai Chi Chuan place la tête dans le ventre. Pour les Occidentaux, il s'agit de déconditionner notre corps de ces tensions qui nous détournent de ce qui est vivant en nous. Prisonniers de notre propre construction, nous devons retrouver la façon de bouger par une autre voie. Pour y arriver, on fait retrouver à notre corps certains mouvements qui font appel à sa mémoire. Le grand atout de cette technique, c'est qu'elle n'est pas échafaudée sur des constructions verbales. Chacun en fait l'expérience directe.

Ce n'est pas de la danse, il n'y a pas de miroir. Le Tai Chi propose d'aller voir au dedans de nous, avec son corps, pas avec sa tête, contrairement à notre éducation dans la civilisation occidentale.

APPLICATION AUX POSTURES DE YOGA : SOUFFLE ET RESPIRATION

En yoga le souffle et la respiration sont distincts : le souffle est la force qui sous-tend la respiration et qui la porte, comme elle porte les battements du cœur et toutes les activités physiologiques.

Mais à la différence des autres activités physiologiques, la respiration nous offre une prise, un contact avec cette force sous-jacente. Au départ, j'utilise donc la respiration pour guider cette force dans les bras, les jambes, les clavicules etc. ensuite, lorsque je peux laisser tomber tout effort respiratoire, c'est le souffle qui va ouvrir les différentes zones du corps et y porter la respiration.

L'origine de cette force est dans le hara : c'est là que le souffle prend sa source. L'expiration permet de s'en rendre compte. On sent le mouvement des côtes, du diaphragme, du ventre. On laisse ce mouvement se poursuivre même lorsqu'il ne sort plus d'air. On s'aperçoit alors que les muscles du ventre et le plancher pelvien se resserrent comme pour comprimer le hara. Il ne s'agit pas d'expirer à fond, mais plutôt de laisser s'installer une apnée qui n'est ni contrainte ni forcée, qui n'est pas non plus une immobilité mais un mouvement subtil, imperceptible de l'extérieur, qui rassemble le souffle, la force vitale, dans le hara.


LE TRAVAIL SUR L’ÉNERGIE PASSE PAR UNE CONSCIENCE PRÉCISE DU CORPS


Tout travail sur l'énergie doit s'appuyer sur une conscience et un contrôle précis du corps physique, sinon, comme l'apprenti sorcier, on court le risque d'être submergé par les forces que l'on a mises en branle. En apprenant à contrôler les muscles du corps, on s'entraîne à utiliser l'énergie au lieu d'être utilisée par elle..,

Ne perdons pas de vue non plus que le but de tout ce travail, c'est de nous amener à accepter l'intégralité de notre être : corps, cœur, âme, esprit, sexualité etc. Sans cette acceptation de toutes les parts de soi, il n'y a pas de progrès possible !

Maîtriser son Hara aide à :

• Sentir sa route

Comme une conviction jaillissant de votre intérieur, comme une certitude. Les autres n’ont pas tort, mais acquérir de l’expérience nécessite de vivre par soi-même les choses.

Les autres ne peuvent décider pour nous, et nous ne pouvons décider pour eux. Nous ne pouvons que suggérer à l’autre. L'imposition est dictature, quel que soit le contexte. Au mieux, de par la validation de notre bonne et juste action dans l'acte manifesté, nous pouvons devenir un exemple pour ceux qui sont dans notre cercle d'influence.

• Selon la tradition, développer son pouvoir de créer et matérialiser le vrai pour soi.

Créer est bon car le mal est, la majeure partie du temps, une action sur l’Autre, que l’on s’arroge, que l’on manipule, maltraite parce qu’on lui enlève le droit de décider, le droit de vivre autrement que nous.

Ce mal provient souvent d’une émotion comme la colère, l’envie, le mépris. Lorsque nous avons travaillé sur nous correctement, nous apprenons à aimer ses limites pour mieux les repousser, à tolérer ses défauts et sa situation matérielle pour mieux les améliorer. A ce moment, l’Autre apparaît comme un double de soi nous exposant par miroir à la face cachée de notre vie.

• Devenir créateur, non plus seulement avec son corps physique et la procréation, mais avec son Âme

Agissant dans les mondes inférieurs, c’est-à-dire créer par soi-même quelque chose de viable (viable dans le sens de « ce qui est en harmonie avec l'univers »). Agir sur la matière mentale en toute connaissance de cause.

Lors de la procréation, chacun d'entre nous est contraint par la nature de notre corps physique à rechercher l’autre moitié qui nous manque, au niveau exotérique.

Mais créer au niveau ésotérique nécessite que nous réalisions notre mariage intérieur. Découvrir que la respiration est primordiale, comme porteuse de pouvoir hors des pulsions émotives et des états d'esprit extrêmes, est primordiale afin d’avancer.

• Acquérir son libre arbitre envers et contre tout.

A savoir, prendre et assumer ses décisions, dans la limite de la liberté individuelle, sans jamais laisser l’autre nous envahir et/ou prendre la décision à notre place.

• Accepter que l’autre nous remette en question,

Nous mette au défi de prouver la validité de nos principes, nos idées, nos façons de faire, sans pour autant tolérer des relations basées sur la destruction mutuelle du dialogue de sourds.

• Rester à l’écoute

En ayant la souplesse du bambou qui plie, qui s’adapte, tout comme l’eau à son contenant, sans pour autant y perdre son âme.

Enfin maîtriser son Hara, c’est établir un contact avec son essence, son âme

Car respirer au niveau du bas ventre, c’est ventiler, faire vivre cette essence, la bonifier, l’affiner par la somme d’expérience que la vie nous apporte.

C’est aussi prendre conscience que ce centre regroupe trois axes (pour trois dimensions et trois corps) de nature triple, dont les 7 chakras, sont les plans de conscience mais aussi les portes.


Il convient de développer un travail musculaire précis pour toucher, puis pour « tenir » le hara donc le Tan Tien

Une fois tenu, l’utiliser pour changer progressivement notre perception de l'effort

Que ce soit en position assise, couchée ou debout en mouvement, notre Tan tien va devenir un point d'appui bien physique, indispensable pour agir. De même que pour marcher nous avons besoin que le sol ne se dérobe pas sous nos pieds, pour avancer à l'intérieur, dedans, pour intervenir et agir avec le Chi, nous devrons nous appuyer sur le Tan Tien

CONCLUSION

Avancer dans la Voie, parvenir à la réalisation de soi, signifie se libérer du Moi pour prendre conscience de son Hara et parvenir à le maîtriser.

L'exercice seul permet d'avancer dans la voie. Ainsi, au Japon, la calligraphie, le théâtre, la cérémonie du thé ou les arts martiaux permettent à l'être de se réaliser par la maîtrise du Hara. Le chemin reste néanmoins long, car s'il correspond pour chacun à ce qu'il lui reste à vivre, il a toujours le sentiment que le plus court est passé.

 http://partageetconnaissance.e-monsite.com/pages/hara-et-tantien.html

Voir: http://mawashido.free.fr/quotidien.htm

 

mercredi 12 février 2014

"LA CONSCIENCE COSMIQUE"


L'état mystique normal est celui dans lequel un homme ressent l'impulsion, la stimulation et la détermination pour fortifier son caractère, suivre la voie de la droiture et développer les vertus couramment admises. De tels états de conscience mystique sont encouragés par la société. La civilisation et la société en général ont besoin de toutes les religions et de tous les systèmes philosophiques qui conduisent l'homme à vivre plus près de Dieu ou du Dieu qu'il conçoit, qui fortifient son caractère et l'amènent à suivre ce qui, selon lui, procède des aspects spirituels de son être intérieur.

L'une de ces expériences mystiques véritables est celle de l'inspiration, cette illumination soudaine et complète de l'homme qui surgit intuitivement plutôt que par les procédés laborieux de la raison ou de l’étude. Cependant, toute inspiration, résultat de l’état de conscience extatique ou mystique, n’est pas un influx soudain de connaissance ou de vérité nouvelle, ou une révélation de faits et de circonstances. Fréquemment, l'inspiration est une consécration, le stimulant qui pousse à consacrer sa vie à un certain idéal, à être loyal, véridique, ou à atteindre un noble but. Il existe certains tests pour déterminer les expériences mystiques véritables. Disons ici que les expériences mystiques n’échappent pas aux tests auxquels toute autre expérience éprouvée par un observateur rationnel serait soumise. C'est une sérieuse erreur que de croire que l'incohérence et l'obscurité sont des signes de Conscience Mystique, car l'expérience mystique doit être cohérente ; elle doit être rationnelle et compréhensible.

Quatre critères permettent de déterminer si on a vécu ou non une expérience mystique et si l'on a véritablement atteint l’état de Conscience Cosmique. Les mystiques et beaucoup de psychologues éminents sont d'accord sur ces quatre points.

Le premier est connu sous le nom d'ineffabilité. Le mystique découvre, lorsqu'il revient à son état normal de conscience, qu'il est incapable d'exprimer par des mots ce qu'il a éprouvé et qu'il ne peut expliquer aisément son expérience à une personne qui n'a pas connu d'expériences semblables. La conscience mystique, en effet, est plus un phénomène de sensation et d'émotion qu'une expérience intellectuelle. Nous savons tous combien il est difficile de décrire fidèlement la valeur ou le développement de certains sentiments que nous avons éprouvés. L'oreille du musicien peut déceler des sons délicats qu'il est seul à pouvoir percevoir et apprécier. Il ne peut faire comprendre ou ressentir sa perception aux autres, à moins qu'ils n'aient une oreille semblable à la sienne. Le grand artiste peut discerner certaines symétries de formes et certaines nuances de couleurs qui échappent à l'oeil de l'individu moyen, mais il ne peut les faire percevoir.

Le deuxième critère est connu sous le nom de qualité intellectuelle. Le mystique comprend que ce qui lui est transmis vient d'une Intelligence Suprême ou Supérieure, que c'est une connaissance ou une sagesse qui transcende tout ce qu'un être humain pourrait lui communiquer oralement ou par écrit. De plus, il fait l'expérience de l'aperception, c'est-à-dire d'une compréhension complète, d'une illumination. Il ne s'agit pas simplement de la réception de certaines sensations ou impressions, mais d'une compréhension complète et totale. L'homme découvre la nature de Dieu et les profondeurs de l’âme. De plus, la connaissance acquise fait toujours autorité. Ce que l'on éprouve n'est jamais obscurci ou amoindri par aucune question ni aucun doute quant à son authenticité. Il existe toujours une conviction intérieure.

Le troisième critère est connu sous le nom de nature passagère et concerne la durée de l’état de Conscience Cosmique. D'après les témoignages, on s'accorde généralement à dire que cet état ne peut pas durer plus d'une demi-heure à une heure. De plus, celui qui en fait l'expérience n'a qu'un souvenir imparfait des détails de cet état. Il conserve une appréciation complète du résultat de l'expérience, de l’état dans son ensemble, mais il ne peut se rappeler objectivement tous les détails qui y ont contribué. Nous pouvons comparer cela à une boisson absorbée par une personne assoiffée. Quand sa soif est étanchée, elle éprouve une grande satisfaction. Il lui serait pourtant extrêmement difficile de décrire cette boisson. Les termes fraîcheur et humidité ne suffisent pas pour exprimer en détail la satisfaction éprouvée. En outre, chaque fois que l'état de conscience mystique revient, cela se traduit toujours par un progrès. Autrement dit, chaque expérience commence là où la dernière s'est arrêtée. Il n'y a pas d'intervalles inexpliqués ; le développement est toujours progressif. Tout se passe comme si l'on regardait un film, et que, soudain, on coupait la lumière. Les images disparaîtraient alors. Des minutes, des heures ou des jours plus tard peut-être, si la lumière était remise, les impressions visuelles sur l'écran reprendraient exactement à l'endroit où l'histoire s'était arrêtée. Rien ne resterait inachevé ou inexpliqué. On ne retourne jamais en arrière, et il n'y a pas de régression dans l'état de Conscience Cosmique.

Le quatrième critère, dans le test et la détermination de ce qui constitue l'expérience mystique de la Conscience Cosmique, est la passivité. Indépendamment du moyen employé pour provoquer l’état de conscience mystique, qu'il s'agisse d'une concentration sur quelque idée, mot ou lieu ou de l'effet produit par quelque exercice physique, une fois que cet état de conscience est atteint, l'individu se sent en présence d'une Puissance supérieure, d'une omniscience. Un sentiment d'humilité l'envahit. L'ego, la vanité, l'arrogance, l'individualité, tout cela se détache de lui, et son âme se dresse dans sa pure nudité devant l'autorité suprême. Il n'y a aucune inclination à vouloir, à exiger, à commander. On aspire simplement à être réceptif, à recevoir une révélation, tel un spectateur, avec une grande espérance, mais toujours avec humilité.

Ralph Maxwell Lewis


http://eveilimpersonnel.blogspot.com/

lundi 10 février 2014

"LA MEDITATION RENFORCE L'IMMUNITE SELON JON KABAT-ZINN"


Formé au célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), le biologiste américain Jon Kabat-Zinn a été le premier à proposer, dès 1979, la méditation comme remède. À l’occasion de la sortie de son dernier livre, nous avons rencontré en exclusivité l’un des pères fondateurs de la médecine corps-esprit.

Sylvain Michelet
Psychologies : Comment vous est venue l’idée d’adapter des pratiques méditatives bouddhistes à la réduction du stress ?

Jon Kabat-Zinn : Je suppose qu’à l’origine, on trouverait chez moi le désir inconscient de réconcilier mes parents. Mon père était un biologiste renommé, ma mère une artiste prolifique mais inconnue. Très tôt, ces deux façons radicalement différentes d’appréhender le monde m’ont semblé chacune incomplète et – comme c’était souvent le cas pour mes parents – incapables de communiquer entre elles. Cela m’a conduit à m’interroger sur la nature de la conscience : avant d’être imprégnés par l’une ou l’autre de nos façons de concevoir le monde, comment « savons-nous » ? Comment « prenons-nous conscience » de ce qui est ?

Mon intérêt pour la science est parti de là. Étudiant, j’ai commencé à pratiquer la méditation, le zen, le yoga, les arts martiaux… Le désir de relier ces pratiques avec le métier de scientifique est devenu de plus en plus fort. Quand j’ai obtenu mon doctorat en biologie moléculaire, j’ai décidé de consacrer ma vie à ce projet : adapter la méditation bouddhiste, en lui ôtant son aspect religieux, pour l’intégrer à un programme de soins scientifiquement contrôlable et philosophiquement acceptable par tous.

Avez-vous rencontré des difficultés pour créer votre clinique ?

J’étais titulaire d’un doctorat, obtenu au célèbre Massachusetts Institute of Technology auprès d’un prix Nobel, et je travaillais dans le monde médical. Face à de telles références, les autorités se sont dit que je devais savoir ce que je faisais. Devant le succès, elles m’ont rapidement soutenu. Ainsi est née la MBSR, un programme de réduction du stress en huit semaines, comprenant une séance en groupe hebdomadaire et une heure par jour de pratique à domicile, à l’aide de cassettes audio. Peu à peu, les applications ont été étendues à l’anxiété, aux phobies, à l’addiction, à la dépression…

Quel type de méditation employez-vous dans ces programmes ?

Nous utilisons diverses pratiques méditatives – certaines sous forme d’exercices précis, d’autres plus informelles –, toutes basées sur le développement de la « pleine conscience », ou mindfulness. Cette forme d’attention est considérée comme le cœur de la méditation bouddhiste. Ma définition la plus rapide en est : la conscience qui émerge quand on porte intentionnellement son attention sur le moment présent sans juger – ni lui, ni soi. C’est une attitude qui prédispose à la paix de l’esprit et du cœur, à la compassion, à l’amour. Nous l’enseignons d’une façon qui, nous l’espérons, respecte l’esprit de la voie bouddhiste, le dharma, mais dans un langage universel et laïc.

Les exercices que je propose comportent notamment le body scan (couché, on se concentre sur ses sensations dans chaque partie du corps) ; la méditation assise, où l’attention se porte sur différents objets (respiration, sons, pensées, images mentales) ; ou encore l’entraînement à une attention sans objet ni effort, appelée « attention sans choix » par le philosophe indien Jiddu Krishnamurti. On dit aussi : « présence ouverte ». Nous enseignons également la marche consciente, le yoga conscient, et même le fait de manger en conscience. Quant aux pratiques informelles, elles consistent à appliquer, moment après moment, cet état d’esprit ouvert et sans jugement à diverses activités quotidiennes : s’occuper des enfants, des courses, de la cuisine ou du ménage, faire de l’exercice, être en famille… sans se laisser distraire par son discours intérieur, mais en restant attentif à ce que l’on fait et à ce qui vient (sensations et expériences).

Finalement, la vie elle-même devient une pratique de méditation, car le défi est de ne pas perdre le seul moment où nous sommes réellement vivants, c’est-à-dire le présent, l’ici et maintenant.


La méditation renforce l'immunité selon Jon Kabat-Zinn
Quelles maladies la méditation guérit-elle ?

La liste des maladies où elle s’est montrée utile ne cesse de s’allonger. Mais cela dépend de ce que l’on entend par guérir. Est-ce restaurer l’organisme pour qu’il soit comme avant la maladie ou l’accident (to cure en anglais) ? Ou bien est-ce accepter et assumer la situation
telle qu’elle est, avec ses maux, mais dans le plus grand confort possible (to heal) ? Dans le premier sens, guérir n’est pas toujours faisable, même avec le meilleur traitement de la médecine actuelle. Mais dans le second, guérir est possible tant que nous sommes en vie. C’est l’une des choses que les patients apprennent – mieux, dont ils font l’expérience – en pratiquant la MBSR ou d’autres méthodes basées sur la pleine conscience, à usage médical ou psychologique.

Pour nous, il s’agit d’une « médecine participative » : elle conduit le patient à s’engager personnellement vers de plus hauts niveaux de bien-être et de santé en optimisant ses propres capacités autorégulatrices. Le travail de méditation est un complément précieux à la « guérison » qu’apporte – ou pas – le traitement médical ou chirurgical.
Au fond, vous proposez une nouvelle approche de la maladie et du malade.

Oui, il s’agit de placer la notion de soin au cœur de la thérapie, en accord avec les principes d’Hippocrate. Ces principes ont fondé la médecine moderne, mais ils sont aujourd’hui négligés, parce que les médecins sont contraints de traiter le maximum de patients en un minimum de temps. L’entraînement à la pleine conscience peut d’ailleurs les aider eux aussi, comme en témoigne le succès de nos programmes pour les professionnels de santé.

En avez-vous personnellement bénéficié ?

Nul ne peut animer un programme basé sur la pleine conscience s’il ne médite pas lui-même. Personnellement, la méditation a transformé ma vie. Je me demande si je serais encore vivant si je n’avais pas commencé à pratiquer à l’âge de 22 ans. Cela a réconcilié tous les aspects de mon existence et de ma personnalité, tout en répondant à la question : « Que vais-je pouvoir apporter au monde ? » Je ne connais rien de mieux que la méditation pour apprendre à être présent dans sa vie et dans ses relations, aussi difficile que cela puisse parfois être. J’aime dire que la pleine conscience est simple, mais pas facile ; c’est un dur travail, mais à quoi d’autre sommes-nous destinés ? Ne pas s’y employer, ce serait rater tout ce qu’il y a de meilleur, de plus profond et joyeux dans nos vies, parce que nous sommes « perdus » dans notre mental, à vouloir être mieux, ailleurs, sans réaliser la richesse du moment présent.


La méditation renforce l'immunité selon Jon Kabat-Zinn
C’est donc une façon de vivre et une pratique préventive plutôt qu’une thérapie…

Mais non, je vous l’ai dit, les effets curatifs sont amplement prouvés – simplement, ce n’est pas un médicament ou une intervention classique. Évidemment, la méditation a aussi un effet préventif : en prenant du temps pour écouter vos sensations, vous augmentez vos chances d’être averti si quelque chose cloche ! En outre, méditer renforce le système immunitaire et la capacité à assumer le présent.
Or, plus votre santé physique et mentale est robuste, mieux vous résistez au stress et aux processus maladifs, et plus vite vous vous rétablissez quand vous tombez malade. Je parle d’une optimisation de la santé à travers la vie entière. Les objectifs changent donc à mesure que nous vieillissons…

N’y a-t-il pas de contre-indications ?

Je répondrais volontiers que non, même si mes collègues de la MBCT déconseillent la méditation en cas de phase dépressive aiguë, estimant qu’elle risque d’aggraver la rumination d’idées noires, qui en est le moteur. À mon avis, le problème principal est la motivation. Si elle est faible, difficile de pratiquer la pleine conscience : cela demande un changement immédiat de mode de vie, puisqu’il faut s’accorder du temps à la fois pour les exercices formels de méditation et pour l’entraînement à la présence consciente dans l’activité quotidienne.

Puisque ça marche, pourquoi la méditation n’est-elle pas utilisée à l’hôpital ou en clinique ?

Mais elle l’est ! Plus de deux cent cinquante hôpitaux et cliniques dans le monde proposent des programmes de MBSR ou de MBCT, et le chiffre augmente chaque année. J’ai le sentiment que la culture médicale française résiste quelque peu, alors que dans d’autres pays comparables, ces méthodes sont en pleine expansion et ont été acceptées par la médecine depuis des années, et plus récemment par la psychologie. Je suis moi-même professeur émérite de médecine à l’université du Massachusetts, et dès que nos résultats sont apparus, j’ai bénéficié, aux États-Unis, du soutien entier des responsables des services de médecine et de chirurgie, comme des autorités médicales ou universitaires. Des facultés de médecine d’universités aussi prestigieuses que Stanford, Duke ou Harvard enseignent la MBSR. Les programmes sont remboursés par l’une des principales compagnies d’assurance-maladie en Amérique (Kaiser Permanente).

Sur le web:
http://www.cps-emotions.be/mindfulness/: Outre des explications sur la pleine conscience et des infos pratiques, le site de l’université de Louvain, en Belgique, propose des enregistrements d’exercices audio téléchargeables.
  
http://www.psychologies.com/Bien-etre/Medecines-douces/Se-soigner-autrement/Articles-et-Dossiers/Mediter-guerit-le-corps/La-meditation-renforce-l-immunite-selon-Jon-Kabat-Zinn 

dimanche 9 février 2014

"CONNAIS-TOI TOI-MEME ET TU CONNAITRAS L'UNIVERS ET LES DIEUX"


Par Roland Rech

Cette inscription au seuil du Temple de Delphe dont le message fut approfondi par Socrate, marque l’entrée de l’occident dans une quête de sagesse qui fut souvent transformée en élaboration de systèmes de pensée que Socrate aurait sûrement ébranlés de son ironie. A la même époque le Bouddha transmit la sagesse issue de son éveil et la méthode pour y accéder : la connaissance de soi, hors de tout dogme. Même si comme en occident, le Bouddhisme s’est institué en différentes écoles, avec leurs systèmes de pensées privilégiant chacun un aspect particulier de l‘enseignement de Bouddha, le message originel parvint jusqu’à nous à travers la lignée des maîtres de méditation, et en particulier celle du zen.

Dans le Genjokoan, chapitre qui sert d’ouverture à son œuvre principale, Maître Dogen écrivait : “Etudier le Dharma de Bouddha c’est s’étudier soi-même. S’étudier soi-même c’est s’oublier soi-même. S’oublier soi-même c’est être certifié par toutes les existences. Etre certifié par toutes les existences c’est rejeter le corps et l’esprit de soi et des autres. Toutes traces de satori disparaissent et ce satori sans trace continue sans fin.”

S’étudier soi-même, à travers la concentration sur la posture du corps et la respiration, comme nous le faisons en zazen, c’est voir apparaître et disparaître instant après instant un certain nombre d’éléments impermanents dont nous tentons de faire la somme pour saisir notre prétendue personnalité.

On apprend à devenir intime avec son corps : tendu ou relâché, plein d’énergie ou fatigué. On peut prendre conscience des tensions accumulées dans le dos, la nuque, les mâchoires, les épaules, le plexus solaire, et les détendre. Comprendre son corps à un certain niveau c’est le libérer de ses tensions, lui permettre de retrouver un tonus équilibré, une meilleure énergie, respecter son rythme vital d’activité et de repos. C’est aussi apprendre à mieux l’alimenter et abandonner ce qui est toxique pour lui en devenant plus sensible aux effets de tout ce que nous absorbons.

La sagesse passe aussi par une meilleure hygiène de vie et la joie de vivre par une activité plus en unité avec le corps et plus proche de la nature, d’où l’importance du samu (travail manuel) dans les temples zen.

Se concentrer sur son corps c’est aussi être attentif à la respiration qui peut être courte ou longue, profonde ou superficielle. Cette attention à la respiration, comme aux postures du corps et aux gestes, stimule la vigilance et évite de se perdre dans ses pensées. Même si comme nous le soulignons cette vigilance contribue à notre bien-être, son sens profond est de nous amener à expérimenter que s’il y a bien un corps assis et qui respire, il n’y a au fond rien de saisissable dans ce corps tel qu’un ego. S’il y a un souffle, ce souffle est libre de tout moi qui respire.

Ce corps impermanent est constitué d’éléments appartenant à tout l’univers : poussière d’étoile il n’appartient à personne.Réaliser cela aide à se déprendre de ses attachements et à voir l’ultime réalité de notre non-naissance et donc de notre non mort, car qu’est-ce qui naît et qu’est-ce qui meurt ?

Pratiquant l’observation lucide on peut remarquer aussi des sensations qui se manifestent : parfois on se sent bien, parfois on a mal aux genoux ou on souffre de trop de chaleur. Zazen nous apprend à accueillir les sensations telles qu’elles sont sans s’attacher à l’agréable et vouloir le conserver, ni détester le désagréable et vouloir le rejeter. C’est le secret du zen face à la vie et la mort.

Un jour de grande chaleur un disciple avait demandé à Maître Tosan : “Maître, quand vient la grande chaleur ou le grand froid, comment les éviter ?”

Tosan : “tu dois trouver le lieu où il ne fait ni chaud ni froid.”

Le disciple : “quel est ce lieu ?”

Tosan : “c’est le lieu où quand il fait chaud nous avons complètement chaud et où quand il fait froid nous avons complètement froid.”

L’attitude non dualiste par laquelle on peut s’harmoniser avec l’ordre cosmique est celle où l’on est un avec la chaleur sans regretter la fraîcheur : à ce moment-là toute opposition entre chaud et froid disparaît.

On peut réaliser la même chose au sujet de la vie et mort : quand on se concentre totalement sur la vie quand on vit et sur la mort quand on meurt, l’opposition vie et mort disparaît avec son cortège de peurs et de regrets. C’est ce que le zen appelle réaliser le Nirvana vivant par l’extinction des trois attitudes génératrices de souffrance que sont l’avidité, la haine et l’ignorance. Cela se réalise sans quitter ni haïr le samsara – transmigration dans les mondes de souffrance due à ces trois poisons.

En poursuivant l’investigation de soi nous rencontrons aussi des perceptions : l’odeur de l’encens, le son de la cloche, le jour qui se lève, le coup de kyosaku sur notre épaule. En zazen les yeux restent ouverts : on ne coupe pas le contact avec le monde extérieur et tous les organes des sens perçoivent normalement leurs objets. Mais par l’attention portée à l’expérience de l’instant, les perceptions sont dépouillées de toutes nos projections mentales : si dans la nuit la peur peut nous faire prendre une corde pour un serpent, ce qui est le prototype de l’illusion, zazen nous ramène à une perception des choses telles qu’elles sont, où tout au moins telles qu’elles apparaissent dans le surgissement de la perception, avant que notre mental s’en soit emparé. Il s’agit de voir la lune dans le ciel telle qu’elle apparaît avant que je la trouve triste parce que je suis triste par exemple. Mais si je perçois en moi de la tristesse, je perçois aussi cette tristesse telle qu’elle est avant de construire à partir d’elle toutes sortes d’interprétations.

Donc zazen nous aide à revenir à des perceptions purifiées de toutes nos projections mentales et à vivre plus en contact avec le monde sans rester enfermés dans notre monde.

Le pas suivant dans cette observation des perceptions est de constater qu’il y a bien des perceptions mais que le sujet de ces perceptions reste insaisissable, tout comme l’œil ne peut se voir lui-même. Nos perceptions résultent de l’interaction entre les objets, les organes des sens et la conscience correspondante. Le phénomène de la perception est produit par cette interdépendance mais rien de tout ce processus ne peut être isolé ni avoir d’existence en soi : c’est ce qu’on appelle vacuité d’existence propre.

Dans l’analyse bouddhiste traditionnelle des constituants de la soi-disant personnalité, se trouve regroupé dans le quatrième groupe l’ensemble des activités mentales qui déterminent l’action, le karma : ce sont les émotions, souvenirs, désirs, besoins, volonté etc. Zazen aide à en prendre conscience, à mieux voir nos motivations et tout ce qui nous anime. Il éclaire nos ombres plutôt que de les refouler. Cette observation de nos états mentaux permet d’en être moins conditionné et d’éviter que des conflits inconscients n’entravent notre liberté. Est-ce que tous nos contenus mentaux sont révélés durant zazen ? On ne peut l’affirmer, mais notre lucidité est aiguisée et se poursuit dans les autres moments de la vie. Nous aurons ainsi moins tendance à nous illusionner. Le maître et la sangha, la communauté, sont aussi là comme autant de miroirs permettant de s’apercevoir de ses propres illusions. Soi-même étant finalement insaisissable, ces prises de conscience ne génèrent pas de culpabilité, mais souvent le rire au sujet de soi-même.

Quant au cinquième agrégat, celui de la conscience, elle ne reconnaît pas les phénomènes mais est consciente de leur présence. Comme disent les phénoménologistes, la conscience est toujours conscience de quelque chose, ce qui signe le fait que la conscience ne peut pas davantage que les autres éléments de la personnalité être prise pour sa substance. Elle n’est pas un esprit immuable par rapport à la matière ni une sorte de soi ou d’essence ou d’âme permanente. Au contraire zazen permet de réaliser une conscience vaste qui ne stagne sur rien et reste constamment pure, disponible, ouverte à l’expérience de la vie, ici et maintenant. Cette conscience qui va toujours au-delà de toute tentation de saisie dans un lâcher prise renouvelé est Hishiryo, au-delà de toute pensée coagulée. Ainsi la connaissance de soi est finalement inconnaissance, la conscience, non-conscience. Quand l’empereur Ling interloqué par les réponses abruptes de Bodhidharma, lui demanda qui il était, celui-ci lui répondit : “Fushiki” – non-conscience… je n’en sais rien.

Ce non-savoir est s’oublier soi-même, c’est-à-dire oublier les conceptions limitées que l’on a de soi et cette libération est l’ aboutissement de la quête de soi.

Quand Nangaku vint voir Eno, le sixième patriarche, celui-ci lui demanda : “Qu’est-ce qui vient ainsi ?” Il ne lui demandait pas quel genre de personne il était mais plus fondamentalement : quoi ? Quelques années plus tard, Nangaku lui répondit : “Ce n’est pas quelque chose”. Autrement dit c’est insaisissable, pas même quelque chose d’insaisissable.

Réaliser cela dans la pratique et s’harmoniser concrètement avec cette expérience, c’est se dépouiller corps et esprit de tous nos attachements et aider les autres à en faire autant. Même si cette expérience est au cœur de l’éveil du Bouddha, nous ne nous attachons pas non plus à cette expérience. Non souillée par le mental elle peut continuer dans la vie quotidienne, sans qu’on ait l’idée d’avoir atteint une illumination spéciale.Cette déconstruction de la notion d’un ego n’est pas un processus analytique se réalisant par étapes successives dans l’ordre où nous avons présenté l’étude de soi à partir des cinq skandas. Il s’agit plus d’une expérience immédiate et souvent renouvelée, à laquelle on ne s’attache pas mais qui produit ses effets, rendant notre vie plus fluide, plus libre, comme le soleil faisant fondre un bloc de glace rend à l’eau sa liberté. Et cette eau rejoint le vaste océan de la nature de Bouddha dont elle n’a jamais été différente ni séparée .

De plus ce n’est pas seulement l’ego humain qui est sans substance fixe mais tous les phénomènes de l’univers et cela se manifeste partout et toujours, sans être jamais dissimulé. Cette vacuité universelle est le vide d’une illusion : celle de croire qu’il existe de la substance permanente quelque part. L’autre versant de cette réalité est celui de la totale interdépendance de tous les êtres. C’est le versant “positif” si l’on peut dire de la vacuité qui fonde la solidarité des êtres entre eux, la compassion et peut constituer la base d’une refondation de l’éthique.

Maître Roland Yuno Rech.

A lire pour l’auteur :

Moine zen en occident, Spiritualités vivantes, Albin Michel.

Eveil graduel, Eveil subit, commentaires du Sûtra de l’Estrade de Maître Eno, Editions Yuno Kusen.

La Grande Porte de l’Eveil, L’enseignement de Maître Htakujõ (volume 1), Editions Yuno Kusen.


 

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samedi 8 février 2014

" LES TECHNIQUES CORPORELLES DE L’EXTASE"



par Marc-Alain DESCAMPS

Tout le monde rêve d’extase et voudrait en avoir une au moins une fois dans sa vie. Mais comme on ne sait pas bien ce que c’est, on se contente d’en rêver, d’en parler ou d’en bavarder entre amis. Il est vrai que toutes les religions sous leurs différents noms (Eveil, Royaume de Dieu, Samadhi, Satori, Béatitude, Enstase …) ont présenté cela comme très difficile et réservé à une toute petite élite.

L'extase est le bonheur suprême dont tout le monde rêve. Et faute d'y atteindre l'humanité se contente d'un orgasme, d'une activité sexuelle ou d'une cuite. Ou bien on prend "l'extasy", la pilule du bonheur, puis toutes les autres drogues qui font entrer dans l'enfer de la déchéance. Actuellement, tout le monde est pressé et souhaite un résultat aussi automatique qu’avec une radio ou un téléphone portable.
Nous cherchons tous ce que nous sommes venus faire sur terre : nous sommes venus nous réaliser et manifester l’invisible. Chacun rêve de déployer pleinement ses possibilités de réaliser pleinement les différentes dimensions de son être.  Tout le monde y est appelé même les plus démunis. Seulement certains se trompent et choisissent à la place les paradis artificiels de la drogue, de l’alcool, du sexe, de l’argent … mais derrière cette déshérence il y a un appel intense.

Pourtant l’extase est bien la vocation naturelle de l’homme, elle est l’état normal dans lequel il devrait vivre tout le temps. Tous ceux qui l’ont éprouvée l’ont dit : on ne la découvre pas, on la reconnaît, on était avec elle depuis l’origine des temps (Suso, Tauler, Angelus Silésius ...). Elle est le retour dans l'Amour parfait.

Se produit un détachement des sens qui fit rompre toute communication avec l’environnement. La personne est là et n’est pas là. Elle ne répond pas quand on lui parle et paraît absente. On a du mal à la faire revenir à la réalité extérieure. Elle  n’est pas morte, elle n’est pas dans le coma, elle n’est pas évanouie. Mais il y a abolition de la sensibilité et de la motricité. Elle n’a pas de sensations, ni de mouvements volontaires, les fonctions vitales sont ralenties et le visage a une expression de joie sublime.

L’intériorité est bien plus difficile à décrire car le premier caractère de l’extase est qu’elle est ineffable. La concentration a produit une attention extrême qui finit par stopper les idées. Alors de l’intérieur monte une joie totale.
Pour les chrétiens l’extase a été définie comme le dialogue amoureux entre l’âme et Dieu.  La science a voulu savoir ce qu’il en était et si quelque chose pouvait être répété à volonté, de préférence en laboratoire, pour aboutir à des mesures objectives. Ce qui n’a été pendant longtemps qu’un dialogue de sourds entre les religieux et les savants.

Un éclaircissement est venu des autres religions particulièrement celles de l’Orient. Pourtant de l’Orient est venue la méditation, qui a permis d’importantes études objectives par l’EEG puis par l’IRM, liées à une cartographie du cerveau.

   Ce livre est d’abord une véritable Anthologie de l’Extase, qui rassemble les témoignages et les récits les plus authentiques dans toutes les voies spirituelles de l’humanité, du Taoïsme à l’Hésychasme, du Tantrisme au Zen. Par là même il nous donne un avant-goût du bonheur.

De plus il fournit une réflexion avancée sur les techniques corporelles que chaque civilisation a employées pour avancer dans la voie de l’extase. Ce sont les technologies du Sacré qui ont été gardées secrètes pendant si longtemps. On voulait tellement que tout provienne de la Grâce de Dieu que l’on a minimisé et caché tout ce qui pouvait provenir de l’homme. De plus par somatophobie, ou haine du corps, l’universelle technique chrétienne a été l’ascèse, la souffrance de son corps par participation aux souffrances de la crucifixion. Les autres voies, et spécialement celle de l’Orient, ont contribué à une réhabilitation du corps, puis à un refus de l’opposition corps/âme.

Alors sont apparues les nouvelles techniques de l’immobilité, l’isolation sensorielle, la relaxation, l’hyperventilation, la répétition verbale, le chant harmonique, le yoga du son, le tournoiement, la concentration sur un dessin centré ou sur la flamme d’une bougie, les visualisations, le rêve lucide, les sorties hors du corps, l’écoute du cœur, les conduites ordaliques et les situations paroxystiques, la marche sur le feu et la luminescence, les centres d’énergie corporelle, la montée de la kundalini, etc...
   
Pour plus de détails lire :

"Les techniques corporelles de l'extase" Marc-Alain Descamps