vendredi 30 novembre 2012

"LES RITES SECRETS DES INDIENS SIOUX"


Selon Héhaka Sapa,« toute chose faite par un Indien est faite dans un cercle, et il en est ainsi parce que le Pouvoir de l'Univers agit toujours moyennant des cercles, et toute chose tend à être ronde. Dans les anciens jours, quand nous étions un peuple fort et heureux, toute notre puissance nous venait du cercle sacré de la nation, et aussi longtemps que le cercle demeurait entier, le peuple florissait. L'arbre fleuri était le centre vivant du cercle, et le cercle des quatre quartiers le nourrissait. L'Est donnait la paix et la lumière, le Sud la chaleur, l'Ouest la pluie, et le Nord, avec son vent froid et puissant, donnait la force et l'endurance. Cette connaissance vint à nous du Monde extérieur (le Monde transcendant, l'Univers), avec notre religion. Toute chose que fait le Pouvoir de l'Univers, Il le fait en forme de cercle. Le ciel est circulaire, et j'ai entendu que la terre est ronde comme une boule, et les étoiles, elles aussi, sont rondes. Le vent, dans sa plus grande force, tourbillonne. Les oiseaux font leurs nids en forme de cercles, car ils ont la même religion que nous ... Nos tentes (tipis) étaient circulaires comme les nids des oiseaux, et elles étaient toujours disposées en cercle, - le cercle de la nation, un nid fait de beaucoup de nids, où le Grand-Esprit voulait que nous couvions nos enfants. »!(Black Elk Speaks.)

Toutes les formes statiques de l'existence se trouvent ainsi déterminées par un archétype "concentrique", matériel ou mental ; centré dans son ego qualitatif,« totémique», presque impersonnel, l'indien tend vers l'indépendance, et par là vers l'indifférence, à l'égard du monde externe ; il s'entoure de silence comme d'un cercle magique, et ce silence est sacré parce qu'il véhicule les influences célestes. C'est de ce silence - dont le support naturel est la solitude - que l'indien tire sa force spirituelle ; sa prière ordinaire est muette : ce qu'elle exige, ce n'est pas une pensée, mais une conscience de l'Esprit et cette conscience est immédiate et informelle comme la voûte céleste.

Si le Grand-Esprit agit toujours par cercles », Il agit aussi, sous un autre rapport, toujours par quaternités », comme l'indiquent les directions spatiales et les cycles temporels, et alors le cercle devient svastika ; c'est pour cela que l'indien, dont la vie se déroule en quelque sorte entre le point central et l'espace illimité, accomplit les choses statiques selon le principe circulaire ou unitif, et les choses dynamiques -les actions -selon le principe quaternaire, c'est-à-dire, conformément aux quatre vertus cardinales qui pour lui sont le courage, la patience, la générosité et la fidélité. Cette structure profonde de la vie indienne signifie que l'homme rouge n'entend point se « fixer» sur cette terre où tout, selon la loi de stabilisation et aussi de condensation, voire de « pétrification », menace de se « cristalliser » ; et ceci explique l'aversion de l'indien pour les maisons et surtout celles en pierre, et aussi l'absence d'une écriture qui, d'après cette perspective, « fixerait » et « tuerait » le flux sacré de l'esprit. La civilisation européenne par contre, dans ses formes dynamiques comme dans ses formes statiques, est: foncièrement sédentaire et citadine : elle est donc ancrée dans l'espace et s'y étend quantitativement, tandis que la civilisation indienne a son pivot en quelque sorte en dehors de l'espace, dans le centre principiel, non-localisé ; son expansivité sera par conséquent « qualitative », en ce sens qu'elle n'est que mouvement pur, symbole de l'illimité, et non point délimitation quantitative, voire "mercantile" de l'étendue spatiale. Il importe du reste de préciser ici que le Christianisme, comme d'autres religions de l' « Ancien Monde », fixe le Céleste sur le plan terrestre et bâtit des sanctuaires dans la matière la plus statique, la pierre ; la tradition des Peaux-Rouges, de son côté, intègre le terrestre - le "spatial" si l'on veut - dans le Céleste omniprésent, et c'est pour cela que le sanctuaire du Peau-Rouge est partout ; c'est pour cela aussi que la terre doit rester intacte, vierge, sacrée comme elle est sortie des Mains divines, - car seules les choses pures reflètent l'Éternel • L'indien n'est point « panthéiste », mais il sait que le monde est mystérieusement plongé en Dieu.

Ce que nous venons de dire permettra de comprendre pourquoi la nature, - paysage, ciel, astre, éléments, animaux sauvages, - est un support nécessaire de la tradition des Peaux-Rouges, au même titre que les temples pour les autres religions ; toutes les limitations imposées à la nature par des œuvres artificielles, pesantes, inamovibles - et imposées à l'homme par son asservissement à ces œuvres - sont donc sacrilèges, voire « idolâtres », et portent en elles les germes de la mort• Il résulte de cette façon de voir que le destin des Peaux-Rouges est tragique au sens propre du terme : est tragique une situation sans issue qui résulte, non pas d'une cause fortuite, mais du heurt fatal de deux principes. L'écrasement de la race indienne est tragique parce que l'homme rouge ne pouvait que vaincre ou mourir ; il a succombé parce qu'il représentait un esprit incompatible avec le mercantilisme des « visages pâles >,. On pourrait définir ce drame immense comme la lutte, non seulement entre une civilisation marchande et matérialiste et une autre chevaleresque et spiritualiste, mais aussi entre la civilisation citadine - au sens strictement humain et péjoratif de ce terme, impliquant une idée d' «artifice» et de « servilité» - et le règne de la Nature, considérée, elle, comme le vêtement majestueux, pur, illimité, de l'Esprit divin • Or la Nature, dont l'Indien se sent comme l'incarnation et qui est en même temps son sanctuaire, finira par vaincre ce monde artificiel et sacrilège, car elle est le Vêtement, le Souffie, la Main même du Grand-Esprit.

FRITHJOF SCHUON.



 

Si je devais comparer Black Elk (Elan noir) à un contemporain, ce serait au dalaï-lama.

Chef spirituel de la nation sioux, il était membre de la tribu des Sioux Oglalas et vécut toute sa vie à Manderson, sur la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota-du-Sud. A l’âge de 10 ans, il eut la « Grande Vision ». Elle se manifesta sous forme d’une « maladie initiatique » – un des modes connus de nomination des chamans (hommes-médecine) – au cours de laquelle il se vit désigné comme le représentant spirituel de notre monde. Expérience magnifiquement retranscrite par John G. Neihardt dans “Black Elk Speaks” (“Elan noir parle”) : parue au Etats-Unis en 1932, cette bible des Amérindiens permit enfin aux Blancs de comprendre une religion où se mêlent sacré et ordinaire, vision et réel. Comme le dalaï-lama, Black Elk avait la charge spirituelle de répandre le message de sa vision pour apporter harmonie et sérénité à son peuple.

« Quand nous serons brisés et que nous n’aurons plus de centre, l’Arbre sacré sera mort » : cette phrase est prémonitoire. Pour les Indiens, mais pas seulement. Elle nous exhorte à nous éveiller à une conscience enfouie depuis des siècles, à effectuer un retour vers notre culture ancestrale, pour redevenir nous-mêmes.

    Parfois, on en sait plus en rêve que lorsqu’on ne dort pas.

Pensées

Etre un Saint Homme
Chef cérémoniel des Sioux, Black Elk fut, par les pouvoirs que lui a conférés son expérience mystique, désigné saint homme (Holy Man), c’est-à-dire celui qui réunit tous les pouvoirs ordinairement dévolus aux hommes-médecine selon leur « spécialité ». L’homme-médecine des pierres exerce ses dons en communion avec l’univers minéral, première mémoire du monde. Ensuite vint le monde végétal : l’homme-médecine des plantes connaît toutes les plantes médicinales. Celui des rêves a le pouvoir d’interpréter les mondes oniriques et de soigner grâce à eux. Enfin, le voyant-guérisseur, par son pouvoir médiumnique, effectue des diagnostics, peut faire intervenir des forces spirituelles pour guérir et répond aux questions cruciales pour le devenir du peuple.

Rester un passeur
« J’ai guéri avec le pouvoir qui passait à travers moi. Ce n’était pas moi qui guérissais. Les visions avaient fait de moi un trou à travers lequel le pouvoir avait la possibilité de parvenir aux “deux-jambes” [les hommes]. » Black Elk put, en s’ouvrant totalement à Wakan Tanka (le Grand Esprit ou Dieu pour les Sioux lakotas (1)), guérir, retrouver des personnes disparues dans ce monde comme dans l’autre, soulager des souffrances morales. Par la transe, il avait les moyens de vivre concrètement une expérience mystique, véritable engagement entre lui et les puissances qui lui avaient confié le pouvoir, mais aussi entre lui et les siens. Malgré les pressions terribles exercées sur les Indiens pour qu’ils rompent avec leurs traditions, Black Elk put relever tous les défis et résister à toute atteinte grave au patrimoine religieux des Sioux.
 Les Lakotas (qui comprennent, entre autres, les Oglalas) sont les Sioux de l’ouest.

Purifier corps et esprit
La loge de sudation est considérée comme indispensable à une bonne hygiène physique et spirituelle. Pratique séculaire, c’est un rite préparatoire aux cérémonies. Dans le noir complet, autour de pierres aspergées d’eau bouillante, on pratique la purification du corps. Une sorte de « hammam » spirituel. Mais les rites peuvent aussi viser à la purification de l’esprit. Les participants entrent alors en contact avec les quatre éléments : l’eau, le feu, le minéral et l’air. La sudation est à la portée de tous et, selon la recommandation de Black Elk, elle peut être effectuée sans motif.

Rencontrer son identité spirituelle
La danse du Soleil a lieu à la fin du printemps ou au début de l’été. Danse initiatique, c’est une sorte d’offrande qui permet d’aller à la rencontre de son identité spirituelle, de communier avec l’Etre suprême par le don de soi. Dans la vie d’un homme, c’est un moment de consécration unique. Comme tous les rites, elle a des règles complexes, mais celles-ci sont la forme visible qui permettent la manifestation du sacré.

Respecter la Terre-Mère
Dans la Grande Vision, Black Elk perçut quelque chose dont l’importance s’est renforcée au fur et à mesure des années : la Pipe sacrée, symbole liturgique de la Création, de la Terre-Mère, Maka, productrice de tout ce qui vit, croît. Cet objet fait le lien entre notre monde et le monde spirituel. Il rappelle aux humains les préceptes de Wakan Tanka, dont le respect de toute forme de vie. Chaque élément de la nature est un symbole sacré pour les Sioux, et leur rapport au monde s’accorde aux cycles de la nature.
Dates

    1863 : naissance sur la Little Powder River (Wyoming), aux Etats-Unis.
    1873 : Black Elk reçoit sa vision des Etres-Tonnerre.

    1881 : dirige une cérémonie heyoka des Rêveurs-du-Tonnerre et fait connaître publiquement son engagement dans la voie spirituelle.
    1882 : se marie avec Katie War Bonnet.

    1887 : départ vers New York puis en Angleterre avec le Wild West Show de Buffalo Bill.
    1930 : première rencontre avec John G. Neihardt, avec qui il écrira “Elan noir parle”.

    1947 : durant huit mois, délivre des enseignements à Joseph Epes Brown, qui donneront “Les Rites secrets des Indiens sioux”.

    1950 : meurt le 19 août, à Manderson.

A lire

Elan noir parle, de John G. Neihardt. Depuis la bataille de Little Big Horn jusqu’au massacre de Wounded Knee, toute l’histoire de Black Elk (10/18, 2000).

Les Rites secrets des Indiens sioux, de Joseph Epes Brown. Les traditions et l’héritage culturel des Indiens racontés par Black Elk (Editions du Rocher, 2002).

Le Sixième Grand-Père, de Black Elk et Raymond J. DeMallie. La vie et la parole de l’Indien légendaire transportent le lecteur dans l’histoire et l’identité de la civilisation sioux (Editions du Rocher, 2001).

Les Indiens des Plaines, de Daniel Dubois et Yves Berger. Une véritable encyclopédie des coutumes, de la religion et de l’origine de chaque tribu indienne de l’Amérique du Nord (Editions du Rocher, 2001).


source:psychologies.com

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