mercredi 23 mai 2012

"BOUDDHISME ET NEUROSCIENCES"


Pour la majorité des scientifiques, seul le cerveau est source de pensée. Pourtant on peut se demander s'il n'est pas possible que l'esprit à son tour, produise sur le cerveau des « altérations physiques » dans la substance même d'où il est censé émaner. Dans ce cas la pensée pure modifierait la chimie et l'activité électrique du cerveau, ses circuits, voire sa structure.

Le bouddhisme se refuse à réduire l'esprit à la seule matière, et cette position est un levier considérable quand il s'agit de trouver un terrain d'entente entre bouddhisme et neurosciences.  Ce qu'affirme le bouddhisme depuis 2500 ans...

La dernière des Quatre Nobles Vérités fait référence au pouvoir de l'esprit et déclare que même si la vie est souffrance, et que la souffrance est issue des soifs et des désirs, il existe une voie qui permet d'y échapper. Grâce à l'entraînement mental et plus spécifiquement, à la pratique assidue de la méditation, il est possible de modifier activement nos états émotifs, nos attitudes, notre tempérament.

Depuis 2500 ans, le bouddhisme considère donc que l'esprit est doué d'un formidable pouvoir d'auto transformation.  La méditation, la forme la plus hautement élaborée d'entraînement mental, consiste à accéder à une perception nouvelle de la réalité et de la nature de l'esprit, à cultiver des qualités qui ne sont pas innées jusqu'à ce qu'elles fassent partie intégrante de notre être.La pensée peut modifier le fonctionnement du cerveau.

Le bouddhisme et la science souscrivent à l'idée qu'il existe des lois naturelles régissant le développement de la personne et du monde. « À l'instar de la science, le bouddhisme cherche à établir de manière analytique, non de manière dogmatique, l'existence des lois universelles. » (Jose Cabezon)

En octobre 1987, le dalaï-lama fut l'hôte à Dharmapala de la première conférence tenue par le Mind and Life Institute fondé par Engle et Varela.Cinq scientifiques et un philosophe engagèrent des échanges informels sur la science cognitive et le bouddhisme. La formule servit ensuite d'archétype aux dialogues ultérieurs entre le dalaï-lama et les scientifiques : pendant une semaine, chaque spécialiste présente le matin son travail, et l’après midi,  les scientifiques, le dalaï-lama et les autres érudits bouddhistes invités, échangent sur le sujet..

Le dalaï-lama affirme que   « le bouddhisme accorde l'autorité suprême à l'expérience, la raison vient en second et les Ecritures en dernier ». Si la science prouve que l'une des croyances du bouddhisme est erronée, qu'elle va à l'encontre de l'une des vérités scientifiques irréfutables, alors le bouddhisme doit renoncer à cette vue ou à cet enseignement scriptural même s'il prévaut depuis des millénaires. Le bouddhisme se doit d'admettre les faits. » Il souligne qu'il faudra revoir la physique bouddhiste qui soutient par exemple, que la forme, le goût, l'odeur et la sensation tactile sont des constituants fondamentaux de la matière.

Pour les matérialistes l'esprit est uniquement la conséquence de l'activité cérébrale, les sentiments et les pensées sont l'expression de l'activité du cerveau. Il ne peut donc y avoir de relation que de bas en haut. Pour les bouddhistes,  la pensée peut modifier le cerveau : cette relation est donc bi-univoque.A la lumière des croyances bouddhistes, le dalaï-lama a posé des questions fondamentales aux scientifiques lors de la conférence Mind and Life en 2004 :Si le cerveau est source de pensée, sentiments et autres manifestations cognitives constituant ce phénomène que l'on nomme « esprit » ne serait-il pas possible que l'esprit à son tour produise sur le cerveau des altérations physiques dans la substance même d'où il est censé émaner ?  La pensée survient-t-elle avant que les changements ne se produisent dans le cerveau ?Si oui, la pensée pure peut-elle modifier la chimie et l'activité électrique du cerveau, ses circuits, voire sa structure ?

Les certitudes immuables des matérialistes : le dogme fixiste En 1913, Santiago Ramon y Cajal, neuroanatomiste espagnol, prix Nobel de médecine, écrivait dans son traité sur le système nerveux : « Dans les centres matures, les conduits nerveux sont fixes, achevés et immuables. » La doctrine établie soutenait que le cerveau adulte est immuable de deux points de vues : il est câblé de manière irréversible et ne produit pas de nouveaux neurones. Un groupe de neurones est donc affecté à une fonction et il ne fait rien d'autre.On considérait impossible une transformation globale comme l'extension du nerf responsable d'une fonction mentale spécifique, les modifications dans le câblage reliant une zone à une autre. Les seuls changements admis étaient des détails comme quelques synapses supplémentaires ou la consolidation de deux ou trois dendrites pour améliorer la communication entre des neurones voisins. Cela impliquait, par exemple, qu'il était inutile de perdre son temps à tenter de réhabiliter des adultes ayant subi des dommages suite à un AVC.

Ce paradigme prévalait dans tous les amphithéâtres et livres de médecine du monde. Il a fallu attendre les dernières années du XXe siècle pour que quelques neuroscientifiques iconoclastes remettent en cause ce dogme.La remise en cause du dogme fixiste et les avancées de la neuroplasticité. Les exemples présentés dans les sections suivantes ne sont qu’une petite partie des travaux des chercheurs sur le sujet. On en trouvera bien d'autres dans les ouvrages mentionnés dans la page Sources Documentaires. Kaas et Merzenich montrèrent dans les années 70, que le cerveau pouvait se réorganiser. La région du cortex moteur somato-sensoriel correspondant aux nerfs médians d'un singe, avait été "colonisée" moins d'un mois après que son nerf ait été sectionné : elle réagissait à la stimulation d'autres secteurs voisins, de la main du singe.

Dès 1980, Schwarz, de UCLA, réussit à sensiblement améliorer l'état mental de ses patients qui souffraient de trouble obsessionnel compulsif (TOC) en utilisant la «pleine conscience». Il leur permettait de devenir conscients de la nature véritable de leurs obsessions et par conséquent, de mieux en détourner leur attention.  Les patients se mirent à considérer leurs symptômes comme des manifestations de processus cérébraux pathologiques et au bout d'une semaine ils avaient l'impression désormais d'avoir un moyen d'y remédier. Aucun patient ne prenait de médicaments pour soigner le TOC. La thérapie avait réussi à modifier le métabolisme du circuit du TOC dans le cerveau. Ce fut la première étude qui établissait qu'une thérapie cognito- comportementale avait le pouvoir de transformer systématiquement une chimie cérébrale déréglée en un circuit cérébral bien défini. 

En 1990, Pascual-Leone démontra que l'exercice mental peut suffire à promouvoir la modulation plastique des circuits neuraux. Il divisa un groupe de pianistes de même niveau en deux sous- groupes. Le premier sous-groupe devait apprendre un morceau de musique et le jouer. Le second devait faire le même exercice mais uniquement mentalement. Chaque jour pendant quelques minutes, il cartographia au moyen de la Stimulation Magnétique Transcranienne (SMT), les frontières de la bande du cortex moteur qui contrôle l'affection et l'extension des doigts. Il constata que la région du cortex moteur responsable des doigts exécutant le morceau s'était étendue de la même manière dans le cerveau des sujets des deux groupes. Les répétitions mentales avaient activé les mêmes circuits que les répétitions dans les gestes, avec les mêmes résultats.

En 1996, Gage démontra que le cerveau des personnes de plus de 50 ans produisait de nouveaux neurones : entre 500 et 1000 par jour. Les neurones naissent dans la zone de l’hippocampe puis migrent dans d’autres zones du cerveau pour devenir des neurones matures. Et ces nouveaux neurones accompagnent les patients jusqu’à leur mort.Par la suite, il a apporté la preuve que l’exercice physique favorise la neurogénese.

En 2004, Teasdale et Helen Ma démontrèrent que la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience réduisait le taux de rechute des malades de dépression. Une étude sur 55 malades révèle que chez ceux qui avaient connu au moins trois épisodes de dépression sévère, le taux de récidive qui était de 78 % avec les traitements habituels chutait à 36 % pour le groupe bénéficiant de thérapie cognitive basée sur la pleine conscience. En surveillant leurs pensées, les dépressifs qui s'exercent à la pleine conscience sont en mesure d'empêcher les produits dysfonctionnels de leur psyché de dégénérer en dépression déclarée. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience agit du haut en bas par opposition à un médicament qui agit de bas en haut. Elle empêche le circuit de la dépression de terminer son parcours.

Ces exemples remettent sérieusement en cause le déterminisme neurogénétique qui soutient qu'il existe une relation causale directe entre le gène et le comportement : une femme est dépressive parce qu'elle a les gènes de la dépression, les alcooliques s'enivrent parce qu'ils ont les gènes de l'alcoolisme…

La neuroplasticité et la faculté du cerveau de se transformer, s'interposent entre les gènes et le comportement. Si le cerveau peut changer, alors les gènes de tel ou tel comportement sont beaucoup moins déterministes.Le cerveau peut être recâblé par un entrainement intensif, comme les muscles du corps peuvent être sculptés ! En 1994, Sadato, à la lumière des découvertes de Pascual Leone, voulait vérifier si des aveugles de naissance lecteurs de braille avaient développé la partie du cortex correspondant à la sensibilité des doigts. Il compara donc l'activité du cortex de voyants (connaissant le braille) et de non voyants pendant qu'ils déchiffraient les mêmes signes en braille. A sa grande surprise, il découvrit que le groupe des aveugles de naissance présentait une particularité par rapport au groupe des voyants : une région du cerveau supposée être câblée de manière définitive pour le champ visuel, en la circonstance le cortex visuel, avait été recâblé en partie pour la sensation des doigts comme on le voit sur le cliché.


Vilayanur Ramachandran dirige le centre pour le cerveau et la commission de l'université de Californie à San Diego. Confronté aux douleurs fantômes ressenties par les personnes qui avaient eu un membre amputé, il se posa la question suivante: les douleurs fantômes peuvent-elles être désapprises ? Il inventa une boîte à miroir conçue pour leurrer le cerveau du patient et modifier la fausse information inscrite dans le cerveau. Si le sujet, par exemple, a perdu sa main gauche, il introduit sa main valide dans le compartiment de droite de la boîte et on lui demande d'imaginer qu'il place sa main fantôme dans le compartiment de gauche.  La cloison séparant les deux compartiments est un miroir vertical qui reflète la main valide. Le patient peut donc voir l'image de sa bonne main à la  place  de  sa  main  amputée.  Lorsqu'il  bouge  la  main  valide  elle  se superpose à la main fantôme et celle-ci « ressuscite » aux yeux du patient en paraissant douée de la même mobilité. En faisant des exercices quotidiens avec la boîte, les patients de Ramachandran ont vu au bout de quelques semaines les douleurs disparaître. Le cerveau avait intégré les nouvelles données : le membre amputé n'existait plus.

Dans une étude que Merzenich présenta fin de 2005, des sujets du troisième âge, allant de soixante et un ans à quatre- vingt-quatorze ans subirent un entraînement informatique de huit semaines afin d'améliorer la faculté du cerveau à discerner les sons du langage. Les résultats ont montré que leur cerveau traitait mieux la parole et se souvenait plus clairement des choses. En plus, la majorité d'entre eux fit des progrès de dix années ou plus, en termes de statut neurocognitifs. « Avec un peu plus d'entraînement, je crois que nous pourrions réduire l'âge neurocognitif de 25 ans » dit Merzenich.

On pourrait citer encore de nombreux exemples comme celui de Michelle Mack. Suite à une attaque cérébrale, alors qu'elle était encore dans le ventre de sa mère, elle est née avec seulement le lobe cervical droit. Son lobe gauche s’est entièrement « recâblé » dans le cerveau droit, ne générant que de légers handicaps moteurs ou intellectuels. Elle a même acquis des capacités exceptionnelles que l'on ne trouve que chez certains autistes ou surdoués. Agée aujourd'hui 38 ans, elle vit pratiquement normalement.

Les extraordinaires découvertes de Richard Davidson L’imagerie cérébrale allait montrer avec exactitude comment la méditation sur l'attention entraîne l'esprit pour modifier le câblage cérébral.  Dès 1992, Richard Davidson avec le soutien du dalaï-lama avait tenté d'étudier le cerveau de moines bouddhistes ayant une grande expérience de la méditation. Ceux-ci répondirent que « pour connaître l'effet de la méditation il fallait être soi-même un grand méditant ». Il a fallu plus de 10 ans pour que Davidson et le dalaï-lama convainquent les anachorètes de venir aux États-Unis dans le laboratoire de l'université du Wisconsin à Madison. Les moines qui allaient prêter leur cerveau aux neurosciences s'étaient adonnés à la méditation pendant au minimum 10 000 heures. L'en d’entre eux avait même accumulé 50 000 heures. Tous avaient accompli au moins une retraite de trois ans.Davidson voulait savoir si il y avait des formes d'entraînement mental qui pouvaient transformer le schéma fondamental d'activation préfrontal, pour éveiller plus souvent les émotions positives. Puisque la méditation sur la pleine conscience parvient à altérer des schémas fondamentaux d'activité cérébrale chez les dépressifs ou les victimes de TOC, l'on pouvait penser que même des formes rudimentaires d'entraînement mental pouvaient induire des changements plastiques dans le cerveau.

La première expérience eut lieu en mai 2001 avec l'abbé d'un monastère bouddhiste en Inde qui s'était adonné à la méditation sur la compassion pendant 30 ans. Davidson constata que pendant la méditation sur la compassion, l'activité de son cortex préfrontal gauche surpassait de 99,7 % celle des sujets jamais testés jusque-là. En Occident on ne conçoit pas que l’on puisse se former au bonheur. Pourtant, c'était la démonstration que le bonheur est une chose que l'on peut cultiver délibérément grâce à un entraînement mental qui agit sur le cerveau. 

Avec l'I.R.M.f, il mesura l'activité dans l'amygdale, une région active lorsque surviennent des émotions perturbatrices comme la détresse, la peur, la colère ou l'anxiété. Il constata que les individus présentant une activité plus importante du cortex préfrontal relié par des connexions neuronales avec l'amygdale, réussissent à moduler leur cerveau et à réduire l'activation dans l'amygdale pour soulager la souffrance. Le signal dans l'amygdale générant la peur et la colère peut donc être régulé par l'entraînement mental.

Le compte rendu d'une autre série d'expériences menées avec Antoine Lutz, fut publié en 2004 dans la prestigieuse revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences. Huit moines bouddhistes, dont Matthieu Ricard, et huit étudiants de l'université du Wisconsin entraînés à la méditation et servant de cas témoins, allaient s'adonner à la méditation sur la compassion pure. Les électrodes de l'électroencéphalogramme captaient les ondes gamma que le cerveau émettait en état neutre ou en état de méditation.Quand Matthieu Ricard enchaînait de l'État neutre à l'État méditatif, sur demande des scientifiques, l'augmentation de l'activité gamma était la plus importante jamais observée en neurosciences, et ne diminuait pas pendant les périodes de repos entre les méditations.  Si les cas témoins présentaient une augmentation légère mais significative du signal gamma, celui-ci ne durait que quelques centaines de millisecondes. Chez les moines il durait cinq minutes. Cela confirmait le pouvoir de l'entraînement mental à engendrer une perception accrue, une résolution de problèmes amplifiée et une conscience élargie.

La même expérience fut ensuite conduite avec analyse par l'I.R.M.f. Lorsqu'il générait la compassion pure, le cerveau de tous les sujets, moines ou néophytes, montrait une activité dans les régions responsables de la gestion des émotions, de la planification des mouvements et les sentiments positifs comme le bonheur. Les régions qui maintiennent la conscience du « moi » et de « l'autre » s'apaisaient. Des aires qui s'activent avec les émotions négatives, comme le mécontentement et l'anxiété présentaient également une activité décrue. Mais chez les moines il y avait une activation beaucoup plus importante que chez les néophytes dans l’insula droite et le noyau caudé, aires associées à l'empathie et à l'amour maternel. Plus les moines avaient à leur actif un grand nombre d'heures de méditation, plus l'écart était important. Autre résultat étonnant : lorsque les moines s'absorbaient dans la méditation sur la compassion, il y avait une activité accrue dans les régions cérébrales responsables du mouvement planifié, comme si le cerveau était prêt à voler au secours des personnes en détresse.Enfin pendant que les moines faisaient naître la compassion, l'activité dans le préfrontal gauche (site associé au bonheur) noya celle du préfrontal droit (associé aux humeurs noires, au mécontentement…) avec une intensité encore jamais observée. En revanche, les étudiants qui servaient de cas témoins, ne présentaient pas ces écarts entre les cortex préfrontaux gauche et droit.La science a longtemps prétendu que la régulation affective et que les réactions émotionnelles étaient des aptitudes statiques qui ne changent pas beaucoup à l'âge adulte.

Ces résultats démontrent que l'entraînement mental qui fait appel à la concentration et à la pensée, modifie les connexions entre le cerveau pensant et le cerveau de l'émotion. La méditation peut modifier la fonction du cerveau et ce, de manière permanente. La puissance de l'esprit sur le cerveau : l'histoire vraie de Lopon-la.Lopon-la était un moine bouddhiste ami du dalaï-lama. Il fut incarcéré par les Chinois pendant 18 ans et, une fois libéré, il s'enfuit vers l'Inde où il retrouva le dalaï-lama à Dharamsala. « Il n'avait pas changé, » confie le dalaï-lama. « Son esprit était toujours pénétrant, même après tant d'années passées en prison. C'était toujours le même moine affable… En prison, il avait été torturé à maintes reprises. Je lui ai demandé si jamais il n'avait eu peur. Il m'a avoué avoir eu peur de perdre sa compassion pour les Chinois. J'étais profondément ému en entendant cela, et aussi très inspiré… Le pardon l'avait aidé au fil de son séjour en geôle. Grâce au pardon, son expérience douloureuse avec les Chinois ne s'aggrava pas sur le plan mental émotionnel, il n'a pas trop souffert. »

Conclusion : Vers un homme meilleur ? Les découvertes sur la neuroplasticité et la plasticité autogérée se diffusent peu à peu. L'attitude de transformer de plein gré le cerveau doit faire désormais partie intégrante de notre vie et de notre conception de l'être humain.La neuroplasticité qui transforme le cerveau de l'émotion, débouche sur un univers de possibilités. Nous ne sommes pas bloqués avec le cerveau qui nous a été accordé à la naissance, mais nous avons la capacité d'orienter volontairement quelles fonctions s'épanouiront, quelles fonctions périront, quelles compétences morales apparaîtront, lesquelles ne se manifesteront pas, quelles émotions prospéreront et lesquels s'atténueront.  Les recherches de Davidson confirment qu'il est possible de modifier physiquement les connexions entre les neurones par l'entraînement mental, comme l'on sculpte ses biceps par l'entraînement physique. Le câblage cérébral responsable des émotions négatives s'atrophie et celui qui gère la compassion et le bonheur se consolide. Entraîner l'esprit relève du processus consistant à devenir un être humain meilleur, dans notre propre intérêt et pour le bien d'autrui. « Le message que m'inspirent mes propres travaux, c'est que je peux décider de mes réactions, que la personne que je suis est responsable des choix que j'effectue; donc, tout repose entièrement sur ma responsabilité. »

Richard Davidson

http://www.deullin.com/bouddhisme%20et%20neurosciences.html

lundi 21 mai 2012

"JILL BOLTE TAYLOR: VOYAGE AU DELA DE MON CERVEAU"


Dr Jill Bolte Taylor: Extraits

Jill Bolte Taylor a mis huit ans à "récupérer" toutes ses facultés, suite à son AVC. Sa mère l'a accompagnée pendant les moments les plus difficiles, lui faisant faire des exercices qui n'étaient pas courants en 1996, époque où l'on considérait que les séquelles étaient inévitables. Ce qui est le plus étonnant dans ce qu'elle raconte, c'est la similitude avec ce que les méditants bouddhistes expriment.On trouvera en fin de page, une vidéo, sous-titrée en français, composée des principaux extraits de la conférence que Jill Bolte Taylor donne à travers le monde pour relater son expérience.

Page 42 Notre empathie, notre capacité à nous mettre à la place d'autrui, prend naissance dans notre cortex frontal droit.Notre hémisphère gauche traite l'information d'une manière en tous points différente. Il rattache les uns aux autres, selon un ordre chronologique, les instants riches de sensations dont nous prenons conscience dans notre hémisphère droit. Il ne cesse de comparer les particularités de tel moment donné à celles du précédent. En retraçant l'évolution au fil du temps de ce qui a caractérisé un instant ou un autre, notre hémisphère gauche nous donne une idée du passé, du présent et du futur. Leur succession dans le cadre d'une structure établie nous permet de comprendre qu'il faut accomplir telle action au préalable à telle autre.….Tandis que notre hémisphère droit pense par images, en se formant une vue d'ensemble de l'instant présent, notre hémisphère gauche, lui, s'attache aux détails, à une infinité de détails.

Page 88 Je dois avouer que la nécessité d'admettre que notre vision du monde extérieur et notre relation à lui découlent de notre « câblage » neurologique, m'a libérée tout en me posant un défi de taille. Jusque-là, je n'étais donc que le pur produit de mon imagination ! ….La cérébralité de mon hémisphère gauche, pour l’heure en veilleuse, ne refoulait plus ma conviction innée d'incarner une force de vie à l'état pur. Je gardais conscience d'un changement en moi mais pas une seule fois mon hémisphère droit ne m'a laissé entendre que je valais moins qu'avant. Me voilà devenue un être de lumière dont l'énergie se diffusait dans le reste du monde !

Page 93 Depuis que mon hémisphère droit régnait en maître sur ma conscience, je débordais d'empathie.

 Page 98 Imaginez-vous, si vous le voulez bien, privé petit à petit de l'ensemble de vos facultés mentales. |…] Votre incapacité à vous rendre compte des variations de température ou de la position de vos membres, modifie votre perception de votre corps. Votre énergie se diffuse à tous ceux qui vous entourent. Voilà que vous atteignez les dimensions de l'univers ! La petite voix dans votre tête, qui vous rappelle qui vous est et où vous habitez, se tait. Vous oubliez les émotions qui vous ont façonné au fil des ans. La plénitude de l'instant présent vous absorbe tout entier. Tout, y compris la force vitale à l'œuvre en vous, rayonne d'énergie à l'état pur. Mû par une curiosité enfantine, votre esprit découvre la possibilité inédite de baigner dans une mer d'euphorie et votre cœur connaît enfin la paix. Demandez-vous alors : seriez-vous vraiment motivé pour renouer avec les contraintes d'une routine établie.

 Pages 163-164 Au cours du long processus de ma guérison, je me suis efforcée de parvenir à un équilibre harmonieux entre les deux hémisphères et surtout de déterminer quelles tendances prendraient le pas à tel moment donné. Cela me tenait à cœur dans la mesure où une profonde inquiétude mêlée de compassion pour le reste de l'humanité habite mon hémisphère droit. Plus nous mobilisons les réseaux de neurones qui suscitent en nous sérénité et sympathie pour autrui, plus notre entourage le ressentira et plus la paix s'étendra par contagion, si je puis dire, sur notre planète. D'un point de vue neuroanatomique, la paix intérieure a envahi mon hémisphère droit quand le centre du langage et l'aire associative pour l'orientation de mon hémisphère gauche ont cessé de fonctionner.….Des moines tibétains et des sœurs franciscaines ont été invités à méditer ou prier dans l'appareil d'imagerie cérébrale puis à tirer sur une cordelette quand ils se sentaient au plus proche de Dieu ou au plus haut degré de leur méditation. Des modifications de leur activité neurologique dans certaines régions spécifiques de leur cerveau ont été observées à ce moment-là. Les centres du langage de leur hémisphère gauche ont cessé de fonctionner et la petite voix qui babillait d'ordinaire en eux s’est tue. Leur aire associative pour l'orientation s'est mise en veilleuse dans la circonvolution pariétale de leur hémisphère gauche, la région du cerveau qui nous permet de nous représenter dans l'espace. Quand celle-ci ralentit son activité ou que notre système sensoriel ne lui envoie plus d'informations, nous ne savons plus où commence et où finit notre corps qui tend à se confondre pour nous avec notre environnement immédiat.

 Pages 167-170 En tant que créature biologique, nous disposons d'une emprise extraordinaire sur nous- mêmes. Nos neurones communiquent entre eux en fonction de circuits établis, ce qui rend au final leur activation assez prévisible. Plus nous nous concentrons sur un réseau de cellules en particulier, c'est-à-dire plus nous passons de temps à entretenir telle ou telle pensée, plus notre influx nerveux aura tendance à suivre le même parcours à l'avenir. En un sens, nos esprits ressemblent à des programmes de recherche sophistiqués qui se concentrent presque exclusivement sur l'objet de leur quête. Si je prends plaisir à voir du rouge autour de moi, je ne tarderai pas à en repérer un peu partout. Peut-être pas tant que ça au départ mais, plus je me focaliserai sur mon envie de rouge, plus j’en distinguerai dans mon environnement. Chacun de mes deux hémisphères voit les choses sous un angle différent. Mon hémisphère droit ne  se  soucie  que  de  l'ici  et  maintenant. Il sourit sans cesse et se montre très amical.  Mon hémisphère gauche s'attache quant à lui aux détails en organisant mon quotidien. C'est lui qui me pose des limites et juge de ce qui est bon ou pas, juste ou non. Mon cerveau droit se concentre sur la plénitude de l'instant présent. Il jouit de ce qui fait la richesse de ma vie au quotidien. Éternellement satisfait, il ne renonce jamais à son optimisme. Il ne juge pas en termes de bien ni de mal ; tout existe de son point de vue dans un continuum ; tout est relatif.C'est dans mon hémisphère droit que résident les tendances mystiques, ma sagesse, mes facultés d'observation, d'intuition, de clairvoyance. Mon cerveau droit en perpétuel éveil se laisse happer par l'écoulement du temps. Mon cerveau droit (d'autant plus libre qu'il ne s'attache à aucune limite) affirme que j'appartiens à un tout qui me dépasse.

 Page 174 Non content d'échafauder des contes à dormir debout qu'il prenait ensuite pour argent comptant, mon cerveau gauche manifestait une fâcheuse tendance à la redondance, c'est-à-dire à ressasser sans arrêt les mêmes idées. Beaucoup d'entre nous voient leurs pensées s'enchaîner sans répit et se surprennent plus souvent qu'à leur tour à imaginer les scénarios catastrophes. Hélas ! Notre société n'apprend pas aux enfants à cultiver le jardin de leur esprit.J'ai décidé de tirer une croix sur la partie de mon hémisphère gauche qui m'incitait à la mesquinerie, aux tracasseries incessantes et au dénigrement de moi-même et des autres. Mieux valait renoncer aux circuits neuronaux qui ravivaient en moi des souvenirs douloureux. La vie me paraît trop courte pour que je me soucie encore des souffrances qui appartiennent au passé.

Pages 175-176 Certains programmes de notre système limbique (à l'origine de nos émotions) se déclenchent par automatisme en libérant des substances chimiques qui se diffusent dans l'ensemble de notre organisme, mais disparaissent en moins d'une minute et demie de notre circulation sanguine. Prenons l'exemple de la colère : il nous arrive de nous emporter comme par réflexe dans certaines circonstances. Des substances chimiques qui perturbent notre équilibre physiologique nous envahissent alors pendant une minute et demie. Elles se dissipent ensuite et notre réaction automatique n'a plus lieu d'être. En résumé : ma colère ne persiste plus d'une minute et demie que lorsque je laisse le circuit neuronal correspondant activé en boucle. Je n'en reste pas moins libre à tout moment d'attendre que ma réaction se dissipe en me concentrant sur l'instant présent plutôt que de me laisser happer par le fonctionnement répétitif de mes neurones. Le « câblage » de notre système limbique a tellement tendance à programmer nos réactions que nous avançons souvent dans la vie en pilotage automatique. J'ai découvert que, plus les cellules de mon cortex supérieur se montraient attentives à ce qui se passait au sein de mon système limbique, mieux je maîtrisais mes pensées et mes sentiments. La surveillance des cellules responsables de mes réactions automatiques m’aide à maintenir mon emprise sur moi-même en m’amenant à prendre conscience des décisions de mon organisme. À long terme, j'assume ainsi la responsabilité de ce à quoi ressemble ma vie au quotidien. Rien ne m'a plus donné confiance en moi que de me découvrir enfin libre, de ne plus ressasser des pensées génératrices de souffrance.Quelle délivrance que de me convaincre qu'il ne dépendait que de moi de me laisser envahir par l'amour et la quiétude « de mon hémisphère droit », peu importe ce qui m'arrivait ! Il me suffisait de « virer à droite » en me focalisant sur l'instant présent.

Page 179 L'un de mes excellents amis, le docteur Jerry Jesseph, a pour maxime : « Mieux vaut prendre la paix intérieure pour point de départ que se la fixer pour objectif. »

Page 181 Si je veux échapper aux idées noires que mon hémisphère gauche prend un malin plaisir à ressasser, il est impératif que je les identifie au plus vite. Dès que je repère un circuit cognitif en train de s'activer dans mon cerveau, je me concentre sur ce que je ressens au plus profond de moi-même. Comment qualifierais-je mon état ? Mes pupilles se dilatent ? Le souffle me manque ? Mon cœur se serre ? La tête me tourne ? Mon estomac se noue ? L'anxiété me gagne ? Toutes sortes de stimuli sont susceptibles de mettre en branle le circuit de nos neurones qui suscitent en nous la crainte ou la colère, en provoquant une réaction physiologique type qu'il nous est par ailleurs loisible d'étudier.

Page 188 Quand j'éprouve une douleur quelconque, je me tais le temps de panser les plaies en cédant à ma souffrance, ce qui lui permet de se dissiper plus rapidement. La douleur avertit notre cerveau qu'une partie de notre organisme vient de subir un traumatisme et qu'il ferait bien d'en prendre note. Une fois parvenue à ma conscience, ma douleur a joué son rôle et si elle ne disparaît pas complètement, du moins elle s'estompe.

Pages 190-191 Si je me fie à mon expérience, la paix intérieure provient d'un circuit de neurones dans le cerveau droit qui, parce qu'ils ne se reposent jamais tout à fait, restent susceptibles de prendre le pas sur les autres à tout moment. Notre sentiment de quiétude s’ancre dans l'instant présent. Il ne nous vient pas d'un souvenir du passé ni d'une projection dans l'avenir. Pour atteindre la paix intérieure, il me semble impératif de se laisser absorber par l'ici et maintenant. Il ne faut pas s'en étonner : nos sociétés occidentales attachent plus de valeur aux facultés actives de notre hémisphère gauche que celle du droit, plus contemplatif. S'il vous semble malaisé de laisser s'exprimer votre hémisphère droit, c'est sans doute parce que vous avez trop bien retenu ce que l'on vous a enseigné toute votre enfance. Ce qui me met sur la voie de la paix intérieure, c'est d'abord de me rappeler que j'appartiens à un tout qui me dépasse, un flot d'énergie éternelle dont je ne saurais me dissocier. Cela me rassure de me dire que je me rattache au flux cosmique de l'univers tout entier. Il me semble alors que le paradis m'attend sur terre. Mon hémisphère gauche me considère comme un individu fragile qui risque fatalement, à un moment ou un autre, de perdre la vie. Mon hémisphère droit s'attache au contraire à l'essence éternelle de mon être. Peu importe si je meurs. Mon énergie se diluera dans le vaste monde qui m'environne.            

Page 202 Un moyen d'échapper à la rumination de notre hémisphère gauche consiste à le prier tout bonnement de chasser les pensées nocives qui nous perturbent. On ne saurait sous-estimer l'efficacité des incantations répétitives telles que les mantras (un terme qui signifie littéralement « lieu de repos de l'esprit »). Il me suffit de respirer à pleins poumons en répétant « Je déborde d'allégresse » « Je ne désire rien de plus que ce que je possède » ou encore « Je suis l'un des merveilleux enfants de notre mère la terre » pour basculer aussitôt dans la conscience de mon hémisphère droit. Le retour à la méditation (qui me conduit à un enchaînement d'idées riches en émotions) me fournit encore un autre moyen d'éloigner de ma conscience les pensées dont je ne veux pas. La prière, par laquelle nous substituons un ordre de réflexion à un autre, nous permet aussi d'échapper aux pièges du ressassement au bénéfice de notre tranquillité d'esprit.

Page 207 La douleur ne relève pas d'un choix conscient alors que la souffrance, si.

[Dr Jill Bolte Taylor
"Voyage au-delà de mon cerveau" (éd.j'ai lu)]

Vidéo Extraits de la conférence du Dr Jill Bolte Taylor Durée : 18’25”

http://www.dailymotion.com/video/x8agq2_jill-bolte-taylor-sous-titre-franca_tech




dimanche 20 mai 2012

"L'INTUITION: DE L'INSTINCT A LA SUPRACONSCIENCE"


Christine Hardy est Dr es sciences humaines et ethnologue. Elle fait ici le point d’une longue recherche qu’elle continua bien après la rédaction de cet article (1982). Nous comprenons mieux que le monde de l’imaginaire n’est pas aussi abstrait qu’on le croit généralement. Il est seulement hors de portée de la plupart d’entre nous. Mais à qui la faute? A nous-même bien sûr.

AVONS-NOUS clairement conscience que ce que nous nommons intuition contient en germe un ensemble de facultés très précises de notre mental, qui s’ouvrent sur le domaine de la supraconscience ?

Nous pouvons en effet découvrir qu’il se cache sous ce terme vague et général d’intuition bien plus qu’un don de la sensibilité que l’on dit être l’apanage des artistes et des chercheurs.

Si nous prenons simplement en considération les nombreux cas où l’émergence de cette faculté s’est soldée par de grandes découvertes scientifiques, nous réalisons que l’on ne peut réduire l’intuition à une simple coordination inconsciente d’éléments d’informations qui préexisteraient dans le cerveau conscient du scientifique.

Marilyn Ferguson, dans son livre: «La Révolution du cerveau», rapporte: «Einstein lui-même a dit un jour que sa première intuition de la théorie de la relativité, il l’avait eue par une sensation physique ineffable, plutôt que par le jeu des idées. Il a senti la relativité avant de l’avoir intellectuellement comprise.» Cet exemple, dira-t-on, n’est cependant pas probant car, même la conclusion d’un développement logique peut se révéler tellement stupéfiante que le penseur en ressente une sorte d’exaltation mêlée de joie. Cependant, lorsque nous plaçons le siège de cette déduction logique dans l’inconscient et que nous pensons que la solution émerge spontanément à notre conscience, nous ne faisons que repousser le problème de l’intuition dans un domaine encore plus ignoré et plus vaste: l’inconscient.

Si nous regardons de plus près les moteurs de nos actions quotidiennes, nous nous apercevons que très peu de nos décisions sont prises sur une base totalement logique; et ceci pour la simple raison que le vécu contient une part non négligeable de facteurs inconnus ou aléatoires. Toute décision contient en soi une telle implication psychologique, tant sur notre vie sentimentale, que sur l’environnement humain, que déjà l’affectivité s’y trouve mêlée. Si nous mettons de côté l’énorme proportion d’actions qui sont accomplies en vertu de contraintes et d’obligations, et une autre grande part de nos actes qui se résout à des comportements affectifs ou instinctifs, nous serons quand même étonnés de réaliser l’ampleur de cette marge dans laquelle une certaine intuition a joué.

Nous pouvons juger rétrospectivement d’après les événements qui en ont découlé, à quel point tel choix qui semblait sur le moment purement aléatoire s’est révélé par la suite judicieux et fécond.

Ainsi, il se produit parfois de tels enchaînements de «hasards» que l’on est obligé de se rendre compte que quelque chose de plus que le hasard est intervenu.

Nous avons parfois une reconnaissance spontanée de l’intuition ou d’une faculté inconnue à l’œuvre dans notre destin lorsque nous nous écrions paradoxalement : «Quel hasard incroyable!» ou encore: «Quelle chance inouïe!»

Une récente étude sur les industriels américains «qui ont réussi» a montré que la grande majorité de leurs décisions étaient fondées sur l’intuition.

Il suffit de se pencher un tant soit peu sur ce que sous-tendent certaines de nos intuitions pour réaliser que nous n’étions pas en possession des informations nécessaires pour prendre une telle décision ou pour imaginer tel événement, tout au moins consciemment. Mais cette réalisation est un choc, car si notre inconscient possède des informations que notre conscient n’a pas, on est en droit de se poser quelques questions judicieuses sur cet «inconscient».

La réduction lapidaire d’un événement dérangeant pour notre raison à une formule du genre «cela se passe dans l’inconscient» ou «je le savais inconsciemment», fait de l’inconscient une sorte de chaos tabou d’où tout peut «normalement» surgir, et les phénomènes «anormaux» sont ainsi tout naturellement normalisés. Cela ne nous rappelle-t-il rien? Si… Avant, tous ces phénomènes venaient ou de Dieu ou du diable… selon la couleur de l’habit. Eh bien maintenant, ils naissent de l’inconscient!

L’Intuition : Évidence d’un réseau subconscient d’échange d’informations entre les êtres vivants

Malgré cette pointe d’humour que je n’ai pu m’empêcher de faire, il faut reconnaître que nous avons déplacé la conscience des potentialités infinies de la vie d’un agent extérieur à une inconnue surgissant de l’intérieur même de l’être. L’être humain devient ainsi en lui-même chargé de ce potentiel infini; et quand, de plus, nous réalisons que cette vastitude intérieure s’ouvre sur des relations entre les êtres (ce dont Jung a fait état en invoquant le concept d’inconscient collectif), et que nous sommes sur le point d’y découvrir des interactions encore plus significatives avec non seulement tous les règnes de la nature, mais aussi, à une autre octave, avec le cosmos entier, alors nous avons là l’émergence d’une compréhension «théorique» de cet arcane alchimique de l’être: l’être est dans le cosmos, et le cosmos est dans l’être; «Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas», selon la Table d’Émeraude.

La formulation théorique de ce double déploiement intérieur et extérieur de l’univers, du cosmos surgissant de l’infiniment petit, a déjà été accomplie en physique et en biologie. La théorie des systèmes en donne la base générique en posant l’interaction fondamentale de tous les composants d’un système, ce qui s’exprime par le fait que lorsqu’un des facteurs varie, le système entier est modifié. L’hologramme en donne l’agencement le plus significatif en révélant que toute parcelle d’un système contient les informations du système entier.

Ainsi, en psychologie, le concept d’inconscient collectif posait la première pierre de cette perméabilité intérieure de l’homme à tous les autres humains sur le plan psychique. Mais il reste à percevoir la perméabilité de tout être à tous les autres êtres de l’univers, et ceci à tous les niveaux de l’être: que ce soit biologique, physique, mais aussi psychique, mental et spirituel.

Nous en avons un exemple flagrant dans les récentes interactions prouvées entre les plantes et l’homme, aux niveaux psychique et mental, ainsi qu’entre les plantes et les animaux. Les expériences de Backster, qui lui ont permis d’enregistrer la réaction d’une plante à la pensée de l’homme et aussi à la mort aléatoire de crevettes, ont démontré de façon indiscutable une des facettes de cette interaction fondamentale entre tous les règnes.

Nous sommes donc au seuil de découvertes essentielles dans ce domaine, sur les plans psychiques et mentaux.

Les échanges d’informations instinctifs

A un niveau très simple de la vie naturelle, nous avons mille exemples d’une faculté chez les animaux qui leur permet d’être prévenus d’un danger possible. Nous avons rangé cette faculté dans la catégorie de l’instinct, et en effet elle semble fondamentalement déterminée par l’instinct de survie. Cependant, on peut là aussi se poser quelques questions sur son mode de fonctionnement.

Prenons des exemples précis:

Les animaux savent à l’avance lorsqu’un tremblement de terre va avoir lieu et émigrent, s’ils sont en liberté, hors de la zone dangereuse bien avant les premiers signes enregistrables sur sismographe.

Tous les paysans ont pu remarquer une différence entre la réaction d’une bête que l’on sélectionne hors du troupeau pour la marquer, la soigner ou la vendre, et celle d’une bête capturée de la même manière en vue d’être tuée; l’animal sent qu’il va mourir.

Marilyn Ferguson rappelle que «trois fois en France et six fois aux Etats-Unis, des scientifiques ont administré la preuve, en ne laissant au hasard qu’une chance sur mille, que des gerboises et des souris pouvaient prévoir dans quelle moitié d’une boîte aurait lieu une décharge électrique, bien que le côté où la décharge avait lieu ait été désigné au hasard, à partir de désintégrations radioactives».

Backster découvrit un jour «par hasard», en laissant ses électrodes branchées, que des plantes pouvaient réagir violemment au fait qu’il détruise la vie d’un œuf en le cassant. Il poursuivit dès lors ses expériences en incluant, outre celles des plantes, les réactions de cellules, d’amibes, de fruits frais et de légumes: «Nous constatons chez tous ces organismes les mêmes capacités que chez les végétaux», conclut-il. Backster nomma cette faculté d’échange d’informations avec l’environnement «la perception primaire». Il en vint à supposer que «les cinq sens chez les êtres humains constitueraient un facteur limitatif recouvrant une sorte de perception primaire, éventuellement commune à toute vie».

Ainsi, que ce soit dans la vie naturelle des animaux ou des plantes, ou dans les nouvelles expériences effectuées en laboratoire, a-t-on l’évidence d’une sorte de préconnaissance intuitive ou encore d’information subconsciente dans les règnes animal et végétal.

Dans le règne humain nous retrouvons la même faculté, mais chose étonnante au premier abord, elle semble, là aussi, être fondamentalement en relation avec l’instinct de survie. Ainsi l’intuition maternelle déclenche immédiatement un signal d’alarme lorsque le bébé ou l’enfant est en danger ou en état de besoin, et ceci, quelle que soit la distance. Par contre, la mère ne montrera normalement aucune intuition à distance d’un événement essentiel du développement de l’enfant, par exemple du fait qu’il vient d’avoir l’idée, seul, de marcher à quatre pattes; tant qu’une notion de «danger» immédiat n’est pas en cause, aucune intuition spontanée ne vient à son seuil de conscience (cela, dans la généralité des cas, bien entendu).

De la même façon, les peuples vivant encore dans un environnement potentiellement dangereux (forêt, désert, glaces polaires etc.) ont encore cette faculté instinctive remarquablement développée.

Ainsi est-on obligé d’en déduire que cet échange d’informations subconscient, à un niveau premier, se développe en fonction de l’instinct de survie, et l’on remarque qu’il est de ce fait relativement en veilleuse dans les sociétés industrielles qui ne provoquent que très rarement des pressions au niveau de la survie. Par contre, on verra à nouveau «l’intuition» fonctionner efficacement dès que l’individu se trouvera en situation de crise, que ce soit par la guerre, l’exploration de contrées dangereuses etc., c’est-à-dire dans toute situation qui met sa survie en danger.

Nous en arrivons à ce point aux constatations extrêmement intéressantes des physiologues et neurologistes américains qui ont émis l’hypothèse que le cerveau, au niveau de l’inconscient, assumerait une fonction de filtrage des informations vers le conscient, privilégiant celles qui sont nécessaires à la survie. Ce genre d’informations subconscientes, n’étant plus décisives pour la survie dans nos sociétés industrielles, auraient donc plus ou moins été oblitérées de la conscience.

Norman Dixon, de l’University Collège de Londres, pense que deux systèmes de perception coexistent dans le cerveau des mammifères et qu’ils peuvent fonctionner indépendamment l’un de l’autre. Le premier permettrait d’élaborer des expériences conscientes indépendamment de l’environnement, et le second de classifier et de répondre à des informations des sens sans que ce processus ait besoin de passer par le conscient. Ainsi Dixon émet l’hypothèse que ce double système de perception serait une nécessité de survie, dans la mesure où, le conscient étant un système à capacité limitée, le cerveau aurait tout intérêt à prendre en charge la résolution de certaines données à un niveau subconscient et de filtrer ainsi les informations atteignant le conscient. Dans les expériences qu’il mena sur la perception, «les électroencéphalogrammes montraient une activation avant que les sujets n’aient signalé une perception consciente», ce qui laissait entendre qu’au niveau subliminal il y avait eu détection et choix de l’information avant que celle-ci n’atteigne la conscience.

Cette hypothèse d’un filtrage des informations vers le conscient semble s’ajuster parfaitement à plusieurs faits déjà connus du fonctionnement conscient/inconscient. Tout d’abord, s’il n’y avait pas un certain filtrage de l’information, il ne pourrait exister d’informations subconscientes autonomes du conscient, c’est-à-dire révélant des connaissances différentes de celles du conscient; l’inconscient, en soi, n’existerait donc pas. Ensuite, si nous analysons le fonctionnement d’une faculté telle que la mémoire, nous savons pertinemment, au niveau de l’expérience journalière, que la mémoire consciente, ayant elle aussi une capacité limitée, détermine une sélection des informations intéressant particulièrement le sujet, mais, par contre, une hypnose révélera que ce n’était qu’une partie de ce que le sujet a inconsciemment mémorisé. Prenons un autre exemple dans la perception, nous remarquons que, face à un groupe de gens ou à un paysage, nous focalisons notre perception consciente sur plusieurs points précis qui sont d’importance majeure pour nous, et ceci au détriment des informations inutiles.

Ainsi, si nous retenons l’hypothèse du filtrage déterminé à la fois par des motifs de survie et aussi par les zones d’intérêts primordiaux de l’être (affectivité, mental, relation au monde), il devient alors aisé de penser que ce filtre peut être volontairement modifié si nous parvenons à envoyer l’ordre à notre inconscient que tel type d’informations est maintenant d’un intérêt primordial; car, bien sûr, l’hypnose et différentes techniques d’apprentissage mental ont prouvé depuis longtemps qu’il y avait aussi un passage d’informations et d’ordres possibles du conscient vers le subconscient.

Nous avons là la résolution d’un certain problème qui surgit dans notre société face aux expériences dites «paranormales»: certaines personnes nient résolument la possibilité de telles facultés en évoquant la raison qu’elles n’en ont jamais fait l’expérience et que lorsqu’elles auront expérimenté elles-mêmes, elles y croiront… Mais on comprend le cercle vicieux: pour avoir de telles facultés, il faut avoir opéré un changement volontaire du filtre inconscient, et pour envoyer cet ordre au système de filtrage, il faut avoir reconnu l’intérêt primordial pour l’être d’informations de cette teneur. Les expériences spontanées en ce domaine ne sont pas rares chez des personnes à l’esprit ouvert, mais elles sont par contre impossibles pour ceux qui maintiennent résolument que «cela ne peut pas exister», puisque cette assomption renforce la puissance du filtre en ce domaine.

L’intuition comme accès à une plus grande conscience

Ainsi, pour en revenir à ce terme général d’intuition, nous pouvons découvrir qu’il révèle une facette de cet échange constant d’informations subconscient entre l’être humain et son environnement. L’intuition semble donc être la charnière où ce passage incessant d’informations, résidant le plus souvent dans les couches subliminales de l’être, émerge à la conscience diffuse. C’est pourquoi elle a une nature double: d’une part elle reflète les échanges d’informations entre les cellules et l’environnement, et entre cellules elles-mêmes, ceci aux niveaux biologique et physique; et d’autre part elle révèle ces mêmes échanges subconscients aux niveaux psychique et mental.

Nous pouvons ainsi saisir l’intuition dans sa fonction de révélateur d’informations inconscientes, et, de ce fait même, nous pouvons attendre d’elle qu’elle s’ouvre tout naturellement sur toute une gamme de fonctions informatives spécifiques telles que précognition, télépathie et clairvoyance, ces fonctions surgissant de l’arrachement forcené de ce réseau de relations à la subconscience pour le rendre pleinement conscient.

Analysons différentes formes d’émergence de ce deuxième aspect de l’intuition, selon la nature des informations révélées et nous pourrons clairement mettre au jour ce processus.

Prémonition: Nous avons tous à un moment de notre vie soit vécu nous-mêmes, soit entendu raconter par un ami de confiance, l’expérience d’une prémonition agissant dans le sens d’éviter un accident grave. Le cas le plus fréquent en est le refus soudain sous le coup d’une «mauvaise impression», de prendre un avion ou un bus, et cela sans raison logique, alors que le véhicule sera par la suite l’objet d’un drame. La personne qui raconte ce qu’il lui est arrivé ajoute souvent: «Je ne devais pas mourir!», dévoilant par ces mots une profonde certitude du destin enracinée dans l’inconscient. L’intuition, dans ce cas, a donc fonctionné comme une véritable prescience du futur.

Nous ne pouvons pas analyser extensivement, dans le cadre de cet article, les implications que l’existence de la prémonition fait naître, en ce qui concerne un futur pré-déterminé. Disons simplement que l’on peut admettre la possibilité de plusieurs développements du futur pour une personne, c’est-à-dire de plusieurs chaînes divergentes de causes et d’effets dont la sélection repose sur un libre choix à des moments critiques. Cette hypothèse de plusieurs futurs possibles n’entame en rien la possibilité de prévoir le futur (comme sélection de la chaîne la plus probable), mais explique par contre la marge d’erreur et le pourcentage de prévention de certains événements.

Autres exemples:

— Nous nous méfions de quelqu’un alors que sa «trahison» n’arrivera que des années plus tard.

— Combien de gens peuvent nous raconter qu’avant de trouver la mort à la guerre, tel jeune homme avait laissé entendre à ses compagnons qu’il n’en reviendrait pas.

Ainsi, nous pouvons reconnaître qu’une des formes de l’intuition recèle une part de prescience, mais, contrairement à la faculté maîtrisée de prémonition, l’intuition reste dans la frange incertaine entre l’inconscient et le conscient.

Télépathie: Je crois que si chacun d’entre nous recherchait, ne serait-ce que quelques minutes, des «coïncidences inexpliquées» dans sa vie quotidienne, plusieurs exemples nous viendraient immédiatement à l’esprit :

— Lorsque j’eus mon ami X au téléphone, il me dit avoir essayé de m’appeler juste avant ou en avoir eu le désir.

— Combien de fois commençons-nous une phrase pour nous entendre dire: «J’allais justement en parler!»

— Nous parlons soudainement d’un ami que nous n’avons pas vu depuis longtemps: «Je pensais justement à lui», nous rétorque-t-on.

Ces intuitions reflètent une télépathie inconsciente qui semble exister dans cette forme latente chez la plupart des humains. En général, plus les êtres ont d’intimité entre eux, et plus cette faculté émergera spontanément. Ce que l’on appelle les «atomes crochus» pourraient bien se révéler être des passages d’informations entre les atomes des personnes, par une loi de résonance ou d’harmonie. C’est donc dans les couples ou parmi les grands amis que l’on trouvera le maximum de ces «hasards».

Clairvoyance: Quant à l’intuition «clairvoyante», elle nous permet de discerner des événements à distance, de ressentir les êtres intérieurement ou la structure interne des situations.

Il y a cette intuition dite «féminine» qui est une finesse de perception ou d’analyse: Nous «sentons» que tel être va réussir ou non son examen. Nous pressentons l’aboutissement d’une démarche ou la fin d’une relation. En voyant une personne pour la première fois, nous «savons» qu’elle va devenir une amie ou ennemie.

Dans tous ces exemples, la délimitation entre clairvoyance, prémonition ou télépathie est difficile à instaurer. Peut-être parfois est-ce un concours de plusieurs facultés qui nous donne telle «impression» générale de la situation.

Notons encore un exemple très important de l’intuition clairvoyante: la capacité de savoir soudain comment se guérir soi-même. Les animaux ont cet «instinct» pleinement développé. N’est-ce pas en observant les animaux se frotter contre l’écorce de certains arbres que l’on découvrit la pénicilline? Une histoire merveilleuse nous est contée par Pierre Derlon sur la façon dont les gitans recherchent cette argile aux propriétés curatives qu’ils nomment «la terre du renard»: «C’était toujours à partir de la piste d’un animal blessé que le tzigane découvrait le gisement de glaise, parfois même de tourbe, de terre arable, que celui-ci, guidé par son instinct, utilisait comme antiseptique cicatrisant.»

C’est ainsi que nous avons aussi parfois le «flair» de la plante qui va nous guérir ou de la nourriture que notre corps demande.

Une nouvelle émergence

Paradoxalement, c’est justement dans les milieux urbains les plus sophistiqués qu’un nouveau type d’émergence de ces facultés cognitives semble prendre place. Personne ne peut nier les multiples «signes» de son approche. Ne riait-on pas encore de tels sujets il y a à peine dix ans? Actuellement, si nous parlons autour de nous, nous découvrons avec étonnement qu’il est rare qu’une personne n’ait pas vécu au moins une expérience paranormale dans sa vie, quelle qu’en soit la teneur. Cette expérience, même unique, semble généralement être d’une importance majeure pour le sujet. Ne parlons pas de l’entrée dans la nouvelle ère du Verseau puisque, bien évidemment, c’en est la marque la plus significative.

Si nous mettons de côté, dans cet article, les facteurs cosmiques très certainement décisifs mais difficiles à analyser à ce niveau, quels sont donc les facteurs qui, sur terre, concourent à cette nouvelle émergence?

Si nous prenons l’ensemble des pays comme un système, nous nous apercevons que le réseau mondial de télécommunications crée au niveau de la planète une capacité d’échange d’informations d’une ampleur jusqu’à présent impensable. Sur le plan culturel, l’accès aux différentes cosmologies et systèmes d’explication du monde nous permet de trouver la référence de tel concept dans n’importe quelle culture. L’ampleur de ce mouvement, reposant sur le travail de milliers de chercheurs autonomes, et pourtant tous guidés par le même doigt de l’époque, a créé la plus grande banque d’informations de l’histoire connue. Ce fait engendre dans le mental la capacité de «faire glisser» les concepts d’un système d’analyse à un autre, non seulement entre les différentes cultures mais aussi entre les diverses voies de connaissance dans notre propre culture, par exemple entre la physique et la biologie, ou entre la science et l’ésotérisme.

Ainsi, la connaissance n’est plus vécue comme un système fermé, mais comme des «interrelations cognitives». Tout passage d’informations suppose un échange d’énergie et vice versa. C’est pourquoi le réseau de télécommunications crée, de lui-même, un réseau d’interactions énergétiques. Mais le «vice versa» est aussi significatif: Tout échange d’énergie suppose un passage d’informations, cela veut dire que l’utilisation de nouvelles énergies au niveau planétaire (ne serait-ce que les ondes radio, TV et électriques du réseau d’information, mais aussi l’énergie atomique et les énergies de pointe) provoque chaque fois un échange d’informations d’un nouveau type dans l’humanité. Ainsi les passages du feu au charbon, du charbon à l’électricité, puis à l’énergie atomique, ont pour conséquences directes la mise en place de nouvelles structures relationnelles sur les plans psychiques et mentaux.

Dès lors, de quelle nature peut être cette nouvelle émergence de «facultés cognitives», puisque à cette étape, elle n’est plus directement reliée à la nature et à l’instinct de survie immédiat? Peut-elle se dégager de l’environnement local (puisque la survie de l’homme est maintenant liée au réseau économique mondial) pour se développer «en réseau», donnant naissance à une télépathie à l’échelle planétaire?

Serait-il possible, lorsque nous avons mis en place ce réseau conscient de télécommunications, que nous ayons fait passer un seuil aux «échanges d’informations subconscients» (l’inconscient collectif), et que la saturation de ce réseau d’échanges (l’excitation en terme quantique) crée une émergence de télépathie consciente dans toutes les entités humaines?

Puisque nous ressentons tous, à quelque niveau de référence (qu’il soit scientifique, écologique, spirituel, économique ou simplement individuel) l’imminence d’un «seuil» à passer pour l’humanité et pour l’individu, peut-être ce réseau d’échange télépathique en est-il le premier fruit au berceau de la nouvelle ère.

Christine Hardy

Biographie de Christine Hardy

Docteur en psycho-ethnologie, Christine Hardy mène depuis plus de 20 ans des recherches sur la conscience et les potentiels mentaux, en sciences cognitives, parapsychologie, théorie des systèmes et théorie du chaos. Elle a publié une cinquantaine d’articles et de papiers et présente ses recherches théoriques dans les congrès internationaux. Elle a été chercheur aux Psychophysical Research Laboratories de Princeton, USA ; puis a co-fondé, et présidé une dizaine d'années, Interface Psi, une association de recherche sur les potentiels humains latents. Voyageuse infatigable, elle a exploré « par immersion » de multiples cultures en Inde, Afrique, Asie, Amérique Latine. Ses recherches actuelles portent sur l'intelligence et la conscience collectives. 

Bibliographie

La Pensée agissante (Editions du Dauphin, 2002)
La science et les états frontières (Rocher, 1988)
Le vécu de la transe (Dauphin, 1995)
Networks of Meaning (Greenwood Press, 1998)
La rationalité de l'irrationnel (InterEditions, 1997)
La prédiction de Jung : la métamorphose de la Terre (2012)

http://www.revue3emillenaire.com/blog/l%e2%80%99intuition-de-l%e2%80%99instinct-a-la-supraconscience-par-christine-hardy

vendredi 18 mai 2012

"L'ETRANGE CAS D'AUGUSTIN LESAGE"

Image censurée
(représentant Nefertiti et akhénaton)

(Revue Psi International. No3. Janvier-Février 1978)

Né au sein d’une très vieille famille de mineurs, enrichi des seules connaissances que prodigue l’École Primaire, enfin mineur lui-même, voué au labeur ingrat et dangereux dans les entrailles de la terre, Augustin Lesage (1876 -1954) s’est brusquement révélé, par sa médiumnité tout aussi inattendue que bouleversante dans sa richesse, un peintre sur qui les plus grands savants se sont penchés, ainsi que les plus grands artistes, les plus grands psychologues, troublés par son génie et par l’énigme que posait à la science ce prodigieux talent, brillant comme un défi à la vie extrêmement humble et difficile que menait cet ouvrier et à la formation intellectuelle absolument rudimentaire qu’il avait reçue…

Il vécut pourtant sans orgueil, mineur, peintre, guérisseur même, il traversa le temps avec la même humilité, la même bonté, le même amour de tous les hommes. En 1911, une voix avait dit à Lesage qui travaillait seul, couché dans une petite galerie écartée de la mine : « Un jour, tu seras peintre… ». Depuis, le mineur devint la main qui exécute, obéissant aux guides invisibles qui concevaient par lui les chefs-d’œuvre qui sont exposés, maintenant, un peu partout dans le monde.

Une voix dans le boyau de la mine

Mais laissons à Augustin Lesage lui-même le soin de nous narrer, dans les détails, les bouleversantes péripéties qui le conduisirent à l’épanouissement d’une médiumnité artistique sans précédent.

« Je travaillais, couché dans un petit boyau de 50 cm donnant sur une galerie éloignée du mouvement de la mine. Dans le silence, il n’y avait pour moi que le bruit de ma pioche. Quand tout à coup, j’entends une voix, une voix très nette, dire : UN JOUR, TU SERAS PEINTRE !

« Je regardais de tous côtés pour voir de qui venait cette voix. Personne n’était là. J’étais bien seul. Je fus stupéfait et effrayé.

« Remonté de la mine, je ne dis rien à personne, ni à mes amis, ni à mes enfants, ni à ma femme. Je craignais qu’on me prenne pour un fou, un halluciné.

« Peu de jours après, également dans la mine et travaillant seul, la voix se fait encore entendre. Personne n’était autour de moi, cette fois encore.

Je fus épouvanté. Je gardais cet événement secret, et je fus très inquiet… »

Puis Augustin Lesage communiqua avec l’invisible par des séances spirites.

« Le premier esprit qui s’est communiqué à moi a été celui de ma sœur Marie, morte à trois ans. Elle signait les messages et les dessins.

« Après quelques séances faites ainsi, il arriva que, dans une séance, ma main s’arrêta brusquement. Je dis à mes camarades, « ma main ne veut plus marcher, le crayon ne veut plus rien faire. »

« Et ma main se mit à écrire ce message :

« Aujourd’hui il n’est plus question de dessin mais de peinture. Sois sans crainte, suis bien mes conseils. Oui, un jour tu seras peintre et tes œuvres seront soumises à la science. Tu trouveras cela ridicule dans les débuts. C’est nous qui tracerons par ta main. Ne cherche pas à comprendre. Surtout suis bien nos conseils. Tout d’abord, nous allons te donner par l’écriture les noms des pinceaux et des couleurs que tu iras chercher chez M. Poriche, à Lillers. Tu trouveras chez lui tout ce qu’il te faudra. »

Allais-je badigeonner ou peindre ?

« Alors, je reçus de mes guides les noms des couleurs : blanc d’argent, vert Véronèse, etc… pinceaux n° 1, 2, etc…

« Vous voyez ça ! Bon gré, mal gré, voilà qu’il me fallait aller chercher des couleurs et je n’avais jamais vu un tube de couleur !

« M. Poriche, personnalité de Lillers, directeur de journal, imprimeur, vendait aussi des pinceaux et des couleurs.

« Je partis seul à Lillers ; mon ami Lecomte ne voulait pas m’accompagner tellement il était honteux. Moi aussi j’étais honteux quand je suis entré chez M. Poriche. Je lui dis :

« Pardon Monsieur, je viens pour avoir des tubes de couleurs.

- Vous êtes de la région ?

- Oui.

- Vous êtes peintre ?

- Pas trop.

- Vous êtes amateur ? Qu’est-ce que vous allez faire ?

- Je ne sais pas.

- Un paysage ?

- Oh ! je ne sais pas.

« Je ne pouvais pas dire que c’était les esprits qui allaient me faire travailler ! je ne savais pas quoi dire. Je ne pensais même plus à regarder la feuille de papier sur laquelle étaient écrits les numéros des pinceaux et les noms des couleurs, tellement j’étais émotionné !

« M. Poriche, voyant mon embarras, mit une quantité de tubes et de pinceaux sur la table :

- Voilà des tubes de couleurs et des pinceaux, dit-il, choisissez ce que vous voulez. »

« Je regardai sans voir, tout ému. Je laissai aller ma main, elle prit douze à quinze tubes, et des pinceaux, guidée par l’esprit.

« Vous êtes peintre ? C’est assez drôle » continua M. Poriche. « On ne pourrait pas aller vous voir, car je peins moi aussi ? »

« Attendez toujours un moment », lui répondis-je.

« Je ne savais pas ce que j’allais faire. Allais-je badigeonner ou peindre ? Je ne pouvais pas inviter un monsieur à venir me voir sans savoir ce qui allait se passer ! »

… Et Augustin Lesage réalise des chefs-d’œuvre. Les expositions se succèdent… C’est le triomphe dans les milieux artistiques de la Capitale.


 « Du 6 avril au 10 mai 1927, je m’installai donc à l’I.M.I. (Institut Métapsychique International) à Paris, et sous le contrôle constant du docteur Osty je peignis une toile de 2 m sur 1,50 m, en travaillant régulièrement le matin de 7 heures à 11 heures, et le soir de 14 heures à 18 heures. Un procès-verbal fut dressé et dûment légalisé par le commissaire du 17e arrondissement.

« Lors de mon retour à Burbure, je reçus un accueil triomphal. Une réception officielle avait été organisée en mon honneur, avec le Maire et ceux des villes voisines, le sous-préfet de Béthune et de nombreuses notabilités. J’étais à la fois ému et confus de tant d’honneur que je ne méritais pas, puisque, je vous le répète, c’est ma main qui fait tout le travail, guidée par l’invisible. Moi, je n’y suis pour rien.

« C’est en 1928 que mes guides résolurent de me faire tenter la grande épreuve pour un peintre : le Salon des Artistes Français. J’y fus admis à l’unanimité des membres du jury.

« Je fus admis au salon pendant 5 années consécutives, pour devenir sociétaire en 1932. Mes guides m’avaient fait atteindre le rang le plus élevé auquel un peintre peut accéder, moi, le mineur qui n’avait rien appris, moi qui ne me recommandais d’aucune école ! »

Et Lesage, très attiré par ce pays, fait un voyage en Égypte :

Choc dans la vallée des reines

« … Mais surtout je veux raconter ce qui m’est arrivé dans la vallée des Reines et qui m’a fortement impressionné : Deux ans auparavant, dans cette vallée, on avait mis à jour un petit village. L’archéologue nous a conté qu’au temps de Ramsès II, sous la XVIIIe dynastie, environ 1500 ans avant notre ère, ce petit village avait été habité par 700 ou 800 ouvriers, spécialistes des travaux funéraires. Ils étaient employés à tailler des pierres, à tracer des plans, à peindre des fresques et à sculpter des statues. Ces ouvriers étaient précieux car les Égyptiens attachaient plus d’importance à leur demeure éternelle qu’aux maisons qu’ils habitaient durant leur vie et lui avaient moins besoin, selon eux, d’être richement décorées, puisque la vie est si courte.

« Un de ces ouvriers s’appelait Mena. On a retrouvé son tombeau personnel, un tombeau plein d’inscriptions et des scènes qui renseignent sur ce que fut sa vie. C’est ainsi que l’on a appris son nom.

« Or, pendant le temps qu’il ne travaillait pas dans la vallée des Reines aux tombeaux officiels, Mena avait obtenu le droit de travailler à son propre tombeau, un peu à l’écart du village. Nous visitâmes ce petit tombeau qui pouvait contenir une vingtaine de sarcophages et, tout à coup, j’aperçus sur un mur une grande fresque bien peinte, bien conservée, et dans cette fresque je reconnus la scène de la moisson égyptienne que j’avais faite dans ma dernière toile à Burbure, avant de partir. Une émotion puissante et complexe s’empara de moi, et j’aurais bien du mal à en donner une idée exacte. Il me sembla tout à coup, à être si près de cette petite scène encore intacte, à la voir si semblable à celle que j’avais faite moi-même, il me sembla que j’en étais aussi l’auteur.

« Il s’établit entre la peinture et moi une indéfinissable correspondance, comme si je ne pouvais plus discerner si je venais de la peintre ou seulement de la retrouver. J’aurais voulu rester dans ce tombeau, devant ce mur émouvant, devant cette fresque presque vivante. Je me sentais immobilisé, à la fois soutenu et écrasé par la surprise. Et la joie, une joie immense m’envahissait, comme la joie d’un exilé qui retrouve son village… ».

Comment peignait Augustin Lesage

Laissons Augustin Lesage nous parler lui-même des conditions de réalisations de ses toiles :

« Jamais il ne m’est arrivé, avant de peindre une toile, d’avoir une idée de ce qu’elle serait. Jamais je n’ai eu une vision d’ensemble d’un tableau à n’importe quel endroit où j’en étais de son exécution. Un tableau se fait détail par détail sans que rien ne m’en vienne préalablement dans l’esprit. Mes guides m’ont dit : « Ne cherche pas à savoir ce que tu fais. » Je m’abandonne à leur impulsion. Je trace les lignes qu’ils me font tracer. Je prends les tubes de couleur qu’ils me font prendre, et je fais les mélanges qu’ils me font faire sans savoir quelle teinte va se produire. C’est comme au hasard que je prends les pinceaux. Même mes yeux vont où il faut, indépendamment de moi. C’est incroyable, je le sais, mais c’est ainsi. Je suis à la disposition de mes guides comme un enfant. Une faute peut quelquefois se faire dans la symétrie sur un détail d’un côté de la toile, je n’en ai aucune conscience puisque je ne compare pas. Alors mon guide me fait reculer un peu, il conduit mon regard sur l’endroit en faute, je reviens au tableau et ma main avec précision répare l’erreur. Mais cela est bien rare, parce qu’il ne m’arrive presque jamais d’avoir à faire une retouche. Qu’on regarde mes tableaux, on n’en trouvera pas. Quand je commence une toile, croyez-moi, je ne sais pas ce que ma main va peindre. A aucun moment je ne sais ce qui va suivre. Et j’ignore à quel endroit de la toile le tableau sera terminé. Des fois, d’après ce qui reste de toile nue, je crois qu’il y en a encore pour beaucoup de jours ; mais ma main prend le crayon et trace une ligne, c’est, me dit un message par ma main écrit, l’endroit où il faut couper la toile. Le travail est fini.

« En dehors des moments où je peins, je pense très souvent à ce que j’ai fait ; et jamais je n’imagine ce que je vais faire. J’ai toujours le désir de peindre, parce que j’y trouve beaucoup de plaisir, mais je sais bien que je ne puis rien peindre si je ne me mets pas sous l’influence des Esprits.

Quand je travaille, j’ai l’impression d’être dans une autre ambiance que celle ordinaire. Si je suis dans la solitude, que j’aime tant, j’entre dans une sorte d’extase. On dirait que tout vibre autour de moi. J’entends des cloches, un carillon harmonieux, tantôt loin, tantôt près ; cela dure pendant tout le temps que je peins. Mais cette délicieuse musique de cloches n’a lieu que dans le silence, elle s’arrête dès qu’un bruit se fait : une porte qui se ferme, une conversation qui arrive à mon oreille l’interrompent.

« Des fois, mes guides arrêtent tout d’un coup ma main qui peint ; ils lui font prendre un crayon et écrire un message m’apportant des conseils sur ce que je fais… »

Augustin Lesage face aux critiques d’art

Il est inhabituel de voir un medium soumis au jugement des critiques d’art. Pourtant, la qualité des peintures dictées par les « esprits » au mineur sans instruction est telle qu’elles ont été exposées, en même temps que celles de peintres avertis, dans divers salons, et jugées par les mêmes critiques, d’un œil professionnel.

Lors de son voyage au Maroc en 1947, Lesage peignit quelques toiles devant un public de médecins, psychiatres, journalistes, professeurs, peintres, magistrats qui, dans un procès-verbal, témoignèrent de son étonnante façon de peindre (document extrait de R. Tocquet, Les pouvoirs mystérieux de l’homme, éditions PSI INTERNATIONAL).

« Pour rompre la monotonie d’une longue promenade à travers les salles de peintures du Grand Palais, les amateurs d’art se récréent en mettant en face de chaque tableau le nom du novateur dont, consciemment ou non, l’auteur a subi l’influence. Les critiques d’art arrivent ainsi à ramener les milliers d’exposants à une vingtaine de chefs d’école d’Angelies de Fiesole à Picasso, dont le génie s’édulcorant peu à peu aux mains des suiveurs est devenu la cause involontaire de répétitions banales ou d’odieux pastiches.

« Devant la toile d’Augustin Lesage (Artistes Français n° 4.703), le critique s’arrête, interdit, son érudition est vaine. On ne peut, en effet, apparenter cette œuvre à aucune autre, la ranger dans une tendance, la cataloguer dans un genre défini. « Beaucoup de spectateurs, séduits par l’aspect archaïque de certains ornements ou trompés par l’absence de modèle, ont cru y trouver une réminiscence d’art oriental ancien. A l’analyse, on s’aperçoit que c’est là. une impression née de vagues souvenirs visuels et ne résistant pas à une certaine connaissance ethnologique. On pourrait trouver également une ressemblance avec quelques motifs de notre modern-style si en faveur en 1900. En réalité c’est une œuvre qui n’a pas sa pareille dans aucune école et dont l’originalité s’affirme pleine et entière. « Ce qui frappe tout d’abord le spectateur devant le tableau de Lesage, c’est la profusion, la richesse prodigieuse, l’originalité des ornements et la minutie presque acrobatique du détail. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette habileté, et il suffit de se reculer un peu pour se rendre compte que la composition d’ensemble est impeccable, les coloris sont harmonieux et les masses s’équilibrent parfaitement. « Ce chef-d’œuvre de patience, cette miniature d’une finesse unique en son genre se révèle à l’examen d’ensemble un grand tableau admirablement composé dont peu à peu le charme vous envahit, charme étrange, inquiétant, qui, si vous le laissez agir, fera paraître à vos yeux éblouis une immense et merveilleuse construction architecturale conçue dans on ne sait quelle lointaine planète ? C’est un temple avec ses voûtes, ses colonnades, le détail de ses galeries et de ses frises. C’est la façade d’un hallucinant palais des Mille et une Nuits qu’on aurait entièrement terminée et posée sur le sol et qui, peu à peu et d’un seul bloc, s’élèverait lentement vers le ciel ! Où est l’auteur mystérieux de cet angoissant palais, quel est le génial architecte de ce temple inconnu ? »

JEAN BOOS


 Toile d’inspiration égyptienne et assyrienne qui, d’après Lesage, se rapporterait aux mystères de l’initiation.
« Avant de pénétrer dans son exposition, on repasse mentalement toutes les formes des diverses manifestations picturales et on se dit : je vais voir l’une ou l’autre de ces catégories. On entre, on s’arrête stupéfait par l’impression première. A la minute, d’un coup d’aile, vous êtes emporté. Hors de l’époque présente, vous semblez contempler les civilisations lointaines la Chine, l’Inde, la Perse ; vous reculez toujours dans le temps.

Vous êtes au sein même des vieilles civilisations égyptiennes, chaldéennes, assyriennes, crétoises, grecques, hébraïques, phéniciennes, etc., tout défile et l’intensité d’impression s’impose presque à notre insu. C’est une grandiose symphonie qui aurait pour thème des civilisations vieilles de plus de vingt mille ans ! L’histoire symbolique défile devant les yeux étonnés. Émouvant plus qu’un cinéma — qui est une chose mécanique — le défilé des toiles fait plus.

Il vous découvre l’âme égyptienne, chaldéenne, syrienne même. On se demande si ce peintre modeste en veston sac ou chapeau melon, n’est pas un artiste contemporain de la grande pyramide de Chéops, comme A. Lesage n’est pas éloigné de le croire lui-même. C’est si vrai que sur l’une de ses toiles, vous pouvez voir la reproduction exacte, si exacte qu’elle semble en être une reproduction photographique, de la figure de Ramsès II jeune, agenouillé et offrant de ses deux mains tendues une offrande aux dieux et dont la statue originale est au Caire. Sur la même toile on reconnaît le pharaon Chéphren, puis frappant de ressemblance l’image du pharaon Amenemaït III ; il faut se borner, car rois, peuples, animaux, oiseaux carnassiers défilent et revivent sous le pinceau de Lesage.

Il y aurait encore beaucoup de rapprochements à faire sur l’attitude de personnages de moindre importance, sur la stylisation d’oiseaux (même courbure de bec, même décoration du plumage, que dans les frises égyptiennes), sur l’interprétation des plantes et sur l’extraordinaire habileté dans l’expression des têtes d’animaux, lions, tigres, etc. En résumé, c’est une vaste épopée des civilisations anciennes, une suite d’histoire des religions. Que penser alors de cet homme qui n’est pas un érudit — qui n’a jamais étudié l’histoire — qui n’a qu’une instruction modeste ? A-t-il donc la mémoire d’une vie antérieure ? Regardons encore : tout à coup, dans l’ensemble le plus heureux de décorations serrées, s’encadre un dieu Bouddha, majestueusement accroupi, habilement encadré dans des rosaces, des ovales, des fleurettes ou un animal sacré, ou une scène biblique ou chrétienne (on a reconnu avec une exactitude parfaite la Sainte Catherine du Vatican de Michel-Ange, etc.). Il faut se restreindre. Les toiles de Lesage sont un monde, si vaste que leur description ne peut se contenir dans les étroites colonnes d’un article et que leur analyse complète ferait la matière de plusieurs volumes.

« Ainsi se présente sous nos yeux une œuvre dont l’éclosion plonge en plein dans le surnaturel et le mystère, exécutée par un simple qui aurait pu acquérir une fortune, dont le désintéressement est absolu, qui n’est point venu vendre ses toiles et qui va regagner sa petite demeure de mineur composée seulement de deux pièces, dans lesquelles écloront bientôt de nouveaux chefs-d’œuvre. »

H. COULON

À sa mort le 21 février 1954, il laisse près de 800 toiles réparties en collections privées, et publiques dont :
La Collection de l'art brut de Lausanne (dont la fameuse première toile, visible en permanence et acquise en 1963)
La Collection de l’Aracine – Musée d'Art moderne Lille Métropole
Le Musée d'art moderne de la Ville de Paris (dont une toile en dépôt aux Abattoirs de Toulouse)
L'USFIPES (Union scientifique francophone pour l'investigation psychique et l'étude de la survivance) de Paris
L'Institut métapsychique international de Paris

http://www.revue3emillenaire.com/blog/letrange-cas-de-lesage-par-jean-louis-victor/

mercredi 16 mai 2012

"LES LUMINEUSES LECONS D'ALEXANDRA DAVID-NEEL"


Ce sont les Himalayas qu’avait choisis pour patrie Alexandra David-Néel. Première Européenne à pénétrer à Lhassa en 1923, elle n’a eu de cesse de célébrer les croyances, les légendes, les beautés de ce Tibet qu’elle connaissait mieux que personne. Son exploit fut le couronnement de luttes multiples.

Alexandra David-Néel possède cet art de lutter avec l’éternité, sans négliger pour autant ses combats avec le quotidien. Cette Mère Courage qui nous enseigne à ne jamais s’avouer vaincu n’exige, pour prix de sa victoire, qu’un peu de lumière. Lumière à laquelle elle aspire ardemment, lumière qu’elle s’en ira chercher dans les Himalayas tibétains et qu’elle trouvera dans ses Himalayas intérieurs.

Sa vie est une exemplaire leçon de vie. Et pourtant, elle n’a commencé à vivre selon ses désirs les plus secrets qu’à quarante-trois ans, quand à Tunis, le 9 août 1911, elle s’embarque sur le Ville de Naples pour s’en aller en Asie. Elle est parfaitement consciente d’accomplir enfin son destin, incarnant, sans le savoir, l’un des aphorismes de Natalie Barney : "La vie la plus belle est celle que l’on passe à se créer soi-même, non à procréer". Alexandra David est née le 24 octobre 1868 dans la banlieue parisienne, à Saint-Mandé. Racontant volontiers qu’elle a su courir avant de savoir marcher, Alexandra, à cinq ans, s’enfuit au bois de Vincennes. Ramenée par un gardien au poste de police, elle refuse de dire ses nom et prénom. C’est une précoce indomptable.

À quinze ans, elle parcourt à pied la côte belge. À dix-huit ans, elle traverse le Saint-Gothard, toujours à pied, avec, dans sa poche, les Maximes d’Épictète. Elle en apprend certaines par coeur, comme « Il est dur de vivre sous le joug de la nécessité, mais il n’y a nulle nécessité d’y vivre ». Sa conduite annonce celle des hippies, et de ces innombrables jeunes gens qui, dans les années soixante, et particulièrement autour de mai 68, ont quitté leur famille pour s’en aller de par le vaste monde.

Une anarchiste mystique
Quand elle retourne à Bruxelles pour y retrouver ses parents qui s’y sont installés, elle se lie d’amitié avec Élysée Reclus, géographe et théoricien de l’anarchisme. Au contact d’Élisée, Alexandra découvre qu’elle est, avant tout, un cerveau. Le coeur, le sexe, s’ils existent pour elle, et certains de ses proches en douteront, n’ont plus qu’à se taire et à obéir.

À vingt ans, Alexandra David écrit son premier essai, Pour la vie. Elle n’y fait pas mystère de son anarchie et y proclame : « L’obéissance, c’est la mort ». Le monde semble appartenir à l’impétueuse Alexandra qui séjourne à Londres pour y apprendre l’anglais, puis à Paris pour y apprendre le sanscrit. À la bibliothèque du musée Guimet, elle passe des journées entières à déchiffrer la bible des bouddhistes, le Dhammapada. Elle met en pratique son enseignement majeur : « Soyez à vous-même votre propre lumière. »

En 1891, sa marraine en mourant laisse à Alexandra une petite somme. Elle emploie ce cadeau du ciel à connaître d’autres cieux, ceux dont elle rêve depuis toujours, là-bas, en cette Asie qui l’attire irrésistiblement, ce qui fait dire à son père : « Ma fille a la peau blanche, mais elle a l’âme jaune. » Elle passe quelque dix-huit mois à Ceylan et en Inde. C’est à Bénarés qu’elle rencontre son premier maître, le swami Bashkarananda. De Bashkarananda, Alexandra reçoit un enseignement qui peut se résumer en une seule phrase : « L’impermanence est la loi universelle ».

Alexandra David doit gagner sa vie, ses parents n’étant plus en mesure de subvenir à ses besoins. Elle se lance dans le journalisme, sans succès, et dans le chant, avec beaucoup plus de succès. Dotée d’une jolie voix de soprano, elle triomphe, en 1895, à l’opéra d’Hanoi, dans le rôle de Carmen. Elle triomphe aussi, en 1900, à l’opéra de Tunis. C’est à Tunis, en 1904, qu’elle épouse l’ingénieur Philippe Néel. La mésentente dans le couple est immédiate. « Quand je te parle de philosophie, tu ne m’écoutes pas, tu en profites pour me caresser les jambes », reproche Alexandra à son époux. À « ces plaisirs que l’on nomme, à la légère, physiques », Alexandra préfère les purs plaisirs de l’esprit. Elle est bouddhiste, mais aussi théosophe, rose-croix, franc-maçonne.

Le grand départ vers l’Asie
Face à leur insoluble mésentente, Philippe Néel propose à Alexandra de se sacrifier et de lui offrir « quelque lointain voyage ». Mme Néel accepte allégrement sacrifice et voyage. Elle s’en ira en Asie pour six mois. . . qui dureront treize ans ! Ce sont les plus belles années de la vie d’Alexandra qui commencent. Elle vit en Asie, elle y voyage, elle y étudie. Elle prend l’habitude de tout raconter à son mari dans les lettres qui formeront son sublime Journal de voyage.

Au commencement de 1912, Alexandra revêt la robe ocre des renonçants. Ce costume sera pour cette solitaire comme une armure sacrée qui constituera sa meilleure protection pour traverser l’Inde, puis le Sikkim où elle rencontre son deuxième maître, encore plus important que le premier, le gomchen de Lachen, autrement dit, le supérieur du monastère de Lachen. De l’automne 1914 à l’été 1916, Alexandra se retire dans une grotte des Himalayas, voisine de celle où le gomchen s’est également retiré. Elle y apprendra, entre autres, le toumo, pratique respiratoire qui n’a rien de magique, elle insiste là-dessus, et qui permet d’avoir chaud quand il fait froid en stimulant son feu intérieur. Le gomchen, a compris qu’Alexandra transmettrait au monde entier les trésors spirituels du Tibet jusque là ignorés, et pressenti qu’elle serait là pour témoigner de ce Tibet qui allait disparaître dans les tourments que l’on sait.

De son maître, Alexandra reçoit cette consécration : « Vous avez vu l’ultime et le suprême. Après quoi, il n’y a plus rien ». Il la baptise : Lampe de sagesse.

Comme récompense de ses efforts, Alexandra s’offre une escapade au proche Tibet qui « l’ensorcelle » aussitôt. Pour une fois, elle n’est plus seule, elle a engagé à son service un Sikkimais de quatorze ans, Yongden, qui pendant quarante ans sera son cuisinier, son blanchisseur, son secrétaire.

Le gomchen, qu’Alexandra quitte en septembre 1916, baptise Yongden, Océan de compassion. La Lampe de sagesse met en application sa devise : « Marche comme ton coeur te mène et selon le regard de tes yeux ». Elle entraîne Yongden dans de nouvelles pérégrinations au Japon, en Corée, en Chine. La Lampe et l’Océan finissent par s’arrêter aux Marches tibétaines, dans la province de l’Amdo, au monastère de Kum Bum où ils séjournent de juillet 1918 à février 1921. Ils participent aux offices, étudient, traduisent, engrangent d’inestimables connaissances. Le 21 février, départ de Kum Bum dont on a épuisé les austères délices. C’est, pour Alexandra, la traversée des déserts qui commence. De 1921 à 1923, elle erre dans les déserts d’herbe et de neige avec un seul but : atteindre Lhassa. Par trois fois, elle essaie de rejoindre Lhassa. Par trois fois, elle est reconnue et reconduite à la frontière. Cette intraitable ne s’avoue jamais vaincue et réussit une quatrième fois, déguisée en mendiante, et faisant passer Yongden pour son fils, en décembre 1923. Le 28 janvier 1924, elle écrit à Philippe : « Je suis arrivée à Lhassa, réduite à l’état de squelette ». Et d’ajouter, triomphante : « que l’on ne me parle plus de la faiblesse des femmes ». Elle pourra bientôt savourer son triomphe en France et le succès mondial de son Voyage d’une parisienne à Lhassa, succès qui assure son indépendance financière. En mai 1928, Alexandra choisit de s’installer à Digne où elle achète une vaste propriété qu’elle appelle Samten Dzong, ce qui veut dire, en tibétain, Forteresse de la méditation. Elle s’y enferme avec Yongden en février 1929. Elle y reçoit quelques jours par an Philippe Néel, qui a discrètement refait sa vie.

Les années trente sont pour Mme David-Néel des années de consécration. Elle est fêtée, adulée. Les livres qu’elle publie comme Au pays des brigands-gentilhommes ou comme Mystiques et Magiciens du Tibet connaissent un égal succès. Tout cela comblerait n’importe qui, sauf l’insatiable Alexandra qui en janvier 1937 - elle entre dans sa soixante-neuvième année - s’en retourne en Chine, accompagnée de l’indispensable Yongden, pour y étudier. . . le taoïsme ancien ! Elle n’ignore pas que règne en Chine une guerre civile qui va se doubler d’un conflit sino-japonais. Et elle n’arrive que pour fuir l’invasion japonaise en une incroyable odyssée qui la conduit jusqu’aux portes de son cher Tibet, dans son bien-aimé pays de Kham, à Tatsienlou, bourgade perdue dans les montagnes où elle échoue en juillet 1938. Elle n’en repartira qu’à la fin de 1944, menant, selon son habitude, une vie d’études et de méditation.

Une fin de vie dynamique
En 1946, c’est le grand retour à Digne où Alexandra devient un monument à la fois local et national, une Notre-Dame du Tibet que l’on consulte chaque fois qu’une tragédie éclate en Asie, et Dieu sait s’il y’en a... Elle est infatigable et ne s’arrêtera d’écrire que pendant les trois mois qui suivront la mort subite de Yongden, en 1951. Mais Alexandra est visiblement aimée des dieux puisque, après Philippe, après Yongden, ils mettent sur son chemin son troisième ange gardien, Marie-Madeleine Peyronnet.

En 1968, Alexandra se résigne à ce que la célébration de son centenaire tourne à l’événement. En 1969, cette centenaire pleine d’avenir, elle a trois livres en chantier, fait, au printemps, renouveler son passeport puisqu’elle a envie de retourner en Chine. « Partons, et j’aviserai », déclare-t-elle à Marie-Madeleine Peyronnet. Le 8 septembre de cette même année, Alexandra connaît son dernier départ et entre dans le repos éternel. Et encore, rien ne prouve que pour Alexandra la mort soit un repos éternel, elle qui a été successivement tant de personnages, anarchiste, bourgeoise, bouddhiste, cantatrice, orientaliste, exploratrice, journaliste, écrivain.

Vivre plusieurs vies en une seule, tout en restant fidèle à son unité intérieure, telle est sa lumineuse leçon. Alexandra part en laissant cet ultime message : « Tout est vain, mes amis, sauf une chose : la bonté. »

Jean Chalon


Bibliographie:

"Mystiques et magiciens du Tibet" (pocket)
"Au pays des brigands gentillshommes"(pocket)
"Le Bouddhisme du Bouddha"(pocket)
"La puissance du néant"(pocket)
"Le sortilège du mystère"(pocket)
"Sous une nuée d'orages"(pocket)
"L'Inde où j'ai vécu"(pocket)
"Magie d'amour et magie noire"(pocket)
"Voyage d'une parisienne à Lhassa"(pocket)
"La vie surhumaine de Guésar de Ling"(pocket)
"Immortalité et réincarnation"(pocket)
"Journal de voyage 1"(pocket)
"Journal de voyage 2"(pocket)
"Le lama aux cinq sagesses"(pocket)
"La lampe de sagesse"(pocket)

"Grand Tibet, Vaste Chine" regroupe 5 livres dont Voyage d’une Parisienne à Lhassa et "Le vieux Tibet face a la Chine nouvelle"(éd. Pion). 
"Voyages et aventures de l’esprit"(éditions Albin Michel). 
"Le Lumineux Destin d’Alexandra David-Néel" Jean Chalon (éditions Perrin et Pocket).


http://www.cles.com/itineraires/article/les-lumineuses-lecons-d-alexandra